Autour de l'alambic ...

Quand j'étais môme, le garde-champêtre tambourinait sur la place du village, criait alentours "Avis à la population !" pour informer et rappeler les règles.

Dans cette rubrique, quelques rappels de l'attitude Cyberpotes. Vous trouverez aussi, à l'occasion des infos destinées à tous !
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Robert
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Re: Autour de l'alambic ...

Message par Robert »

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tirage de la cheminée....
Enfin, confronté à mon évident désarroi teinté dèjà de repentir, me voyant atterré, mon oncle me rassure : le mal n'est que partiel ; il n'est pas définitif. Tout sera corrigé lors de l'élaboration du raffin, opération délicate pour laquelle "on" se passera de mes services. La sanction, pour dire vrai, ne me déplaît pas complètement et va me rendre ma liberté pour l'après-midi .
En attendant, je ne couperai pas à la quatrième cuisson et celle-ci sera menée avec la lenteur qui sied. Elle est agrémentée de l'arrivée du "Mohler", un ami de mon oncle. Ce paysan très couleur locale porte un surnom dont je n'ai pas réussi à déterminer la justification. A ma connaissance, le "Mohler"(le peintre), n'a jamais rien peint...
Il a été attiré par le civet de lièvre que la "Nénette" , ma tante, en cuisine depuis neuf heures du matin, est en train de mitonner.
Il faut dire que c'est lui, le Mohler, qui a fourni le lièvre, ce qui mérite bien une invitation à le déguster.
J'ai même eu droit , tout à l'heure , de la bouche même de mon oncle , au récit du massacre de l'innocent animal. Existe-t-il entre eux une occulte concurrence ? Il m'a souvent été donné d'observer que les chasseurs n'ont pas d'indulgence les uns pour les autres. Ils s'accusent volontiers des pires turpitudes. En voici une illustration. Le Mohler a été lamentable. Il a tiré ce lièvre à bout portant, ce qu'un vrai chasseur ne fait jamais ! Il s'est ensuite approché de la bête agonisante pour la gratifier d'un second coup de fusil ; comme elle était encore agitée de spasmes, la dépouille mortelle a reçu sa troisième décharge. Quand il l'a ramené à Saint-Firmin, il n'était guère beau à voir, le lièvre du Mohler, à se demander à quelle espèce vivante avait appartenu cette fourrure sanglante. Mon oncle qui a dépouillé et vidé le futur civet, a passé un temps considérable à en extraire les plombs. Ce qui lui donne autant de mérite dans la réussite du civet que la Nénette peut en avoir pour l'avoir pris en charge après lui.
Le Mohler a une carrure impressionnante . Il est chasseur , pêcheur , chercheur de champignons, sans doute un peu braconnier aussi, à l'occasion. Il connaît les bois et les prés, les monts et les vaux, les sentes et layons. Il nous apparaît aujourd'hui enveloppé d'une immense houppelande kaki et ressemble à un berger qui aurait perdu houlette, chiens et troupeau.
-Robert , tu vois le manteau du Mohler ? interroge mon oncle. Ca, c'est du manteau ! C'est ce que les soldats mettent pour monter la garde. C'est chaud, imperméable, pratique, pour tout dire, idéal pour guetter au bord de l'eau le départ d'un flotteur lorsqu'à la pêche au vif on espère longuement la touche par les froides matinées de décembre...
Justement, dans sa grande bonté, le Mohler pourrait me vendre une cape semblable à la sienne. Je flaire comme un piège. Il en a encore une, une seule, qu'il ne vendrait qu'à un ami à cause de la qualité et de la rareté du produit. Le prix serait aussi un prix d'ami : cent francs, un don pour ainsi dire. Et le propriétaire de la houppelande s'en dévêt afin que je l'essaie .
Je m'enveloppe dans le vaste habit. Je tiens tout à la fois de l'hôte des ponts de Paris et de l'épouvantail à moineaux. Ce qui me reste de dignité me sert à offrir à la compagnie un sourire dubitatif immédiatement interprété.
- Laisse-le , dit mon oncle à son ami . Il n'y connaît rien et son porte-monnaie est en peau de hérisson .
Sur ce jugement aussi injuste que fallacieux, je quitte la distillerie pour me remplir les poumons d'une bouffée d'air frais, sauter dans ma voiture et rentrer à la maison.


Pendant que je pédalais, insouciant, sur les chemins de montagne, mon oncle a passé son après-midi à regarder couler le raffin des cuissons du matin. Sa capacité à laisser s'élaborer les choses au rythme convenable, sans jamais une marque d'impatience, mérite mon admiration et je lui rends hommage, à lui, qui jamais ne lira ces lignes.
Vingt heures. Le téléphone. On m'annonce la fin de la journée "distillation". Je suis convié à assister à la phase ultime.
Retour à la distillerie .


Près de l'alambic veillent Bastien, la Nénette enfin libérée des tâches ménagères et le "Dauphin" qu'aucune succession monarchique n'attend mais qui, simplement porte ce royal patronyme ; c'est un voisin associé à la récolte des fruits.
Dernières mesures du degré d'alcool , rangements. Arrive le moment attendu du partage du produit entre co-récoltants. On se replie chez le Dauphin en dissimulant au mieux notre schnaps. Car personne ne distille sans enfreindre peu ou prou la législation draconienne relative à la goutte produite par les bouilleurs de crus.
Dans la distillerie, nous ne serions pas à l'abri d'un contrôle inopiné et indésirable des gabelous chargés de faire respecter la loi. La cuisine des voisins offre un abri plus sûr.
Les seaux d'eau de vie sont posés sur la table. On amène notre schaps à 50° par adjonction d'eau pure.
Et les conversations vont bon train sur les contrôles du service douanier de répression des fraudes, histoires où tour à tour contrevenants et hommes de loi ont le dernier mot.
Je soupçonne mon oncle Bastien de distiller pour ce jeu de gendarmes et de voleurs pour adultes. Frauder est pour lui une provocation, une revanche sur la contraignante législation, un défi sportif.
Quant à moi, je vais devoir transporter, en toute illégalité bien entendu, les quinze litres d'eau de vie qui me reviennent. Je dissimule sommairement ma bonbonne dans le coffre de ma voiture, sans aucun espoir qu'elle puisse échapper au regard du douanier le moins perspicace.
Avant mon départ dans ce périlleux équipage, on prend soin de me parler des contrôles opérés l'an passé sur l'itinéraire que je vais emprunter ...Veut-on me faire peur, se faire peur aussi ?
- Tu téléphoneras dès que tu seras arrivé , me demande Bastien inquiet.
Au retour , comme promis , j'ai appelé mon oncle.
- Allo ! Bastien ?.....
- Oui !
- Je t'appelle de Fleury - Mérogis . Pense à mes oranges!




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Robert
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Re: Autour de l'alambic ...

Message par Robert »

Voilà les potes.
Ca semble avoir fonctionné.
Il a fallu que je scinde mon histoire en deux parties, car trop longue !

Bon, ce truc ne s'adresse qu'à ceux et celles qui sont en vacances et qui n'ont rien d'autre à faire ! Pour les autres, passez au post suivant !

Le bavard de service ....
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Denis
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Re: Autour de l'alambic ...

Message par Denis »

Vraiment chouette à lire... Bravo!
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Robert
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Re: Autour de l'alambic ...

Message par Robert »

Denis a écrit :Vraiment chouette à lire... Bravo!
J'ai bien conscience qu'un forum cycliste n'est pas vraiment destiné à recevoir ce genre d'élucubration ... je ne le ferai plus ; dans ma mémoire (il y a bien longtemps que je ne m'étais pas relu), je pensais cette histoire plus courte.
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Denis
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Re: Autour de l'alambic ...

Message par Denis »

T'es fada??? :mrgreen:
C'est justement ce qui fait le charme de ce forum, et son identité: on fait tous du vélo, on habite des régions différentes, on a d'autres passions, et on partage tout ça!
Donc surtout n'arretes pas ces récits!

Si Tad te lit, il va te dire deux mots!
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Tadkozh
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Re: Autour de l'alambic ...

Message par Tadkozh »

Robert a écrit :
Denis a écrit :Vraiment chouette à lire... Bravo!
J'ai bien conscience qu'un forum cycliste n'est pas vraiment destiné à recevoir ce genre d'élucubration ... je ne le ferai plus ; dans ma mémoire (il y a bien longtemps que je ne m'étais pas relu), je pensais cette histoire plus courte.
.....t'es bien certain qu'ils n'ont touché qu'au dos quand tu es passé sur le billard...? :o C'est excellent bien au contraire.. ;) dans ce cas que penser de ma tondeuse, de ma "balayeuse"...ça n'a rien de "cycliste"...et puis, en plus, nous sommes tous contents que tu aies trouvé le système du "copié/collé".. ;)

Tadkozh
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Aline
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Re: Autour de l'alambic ...

Message par Aline »

Merci Robert pour cet excellent récit qui m'a rappelé quelques bons souvenirs. Enfant, j'ai accompagné mon père à l'alambic. Je m'en souviens très bien. Il faisait de la goutte de prune (fruits du verger de mon grand père que j'essaie encore à l'heure actuelle de sauvegarder) ainsi que le marc de raisin qui provient des grappes de raisin après pressage (le moût). Mon grand père avait une petite vigne et il faisait son vin pour l'année.
En fait, mon père avait un droit de distiller par le biais de mes grands parents qui s'est arrêté au décès de ma grand mère.
C'est vrai que la goutte était souvent offerte en cadeau pour services rendus. Sinon, on se servait de ces alcools pour fabriquer des liqueurs à base d'écorces d'orange, pour les grogs et autres maux.
On croit que les rêves sont faits pour être réalisés. C'est le problème des rêves. Les rêves sont faits pour être rêvés.
Coluche
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Robert
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Re: Autour de l'alambic ...

Message par Robert »

Aline a écrit :Merci Robert pour cet excellent récit qui m'a rappelé quelques bons souvenirs. Enfant, j'ai accompagné mon père à l'alambic. Je m'en souviens très bien. Il faisait de la goutte de prune (fruits du verger de mon grand père que j'essaie encore à l'heure actuelle de sauvegarder) ainsi que le marc de raisin qui provient des grappes de raisin après pressage (le moût). Mon grand père avait une petite vigne et il faisait son vin pour l'année.
En fait, mon père avait un droit de distiller par le biais de mes grands parents qui s'est arrêté au décès de ma grand mère.
C'est vrai que la goutte était souvent offerte en cadeau pour services rendus. Sinon, on se servait de ces alcools pour fabriquer des liqueurs à base d'écorces d'orange, pour les grogs et autres maux.
Tout se perd Aline, hélas ... Depuis mon histoire, notre oncle a vendu son alambic et la distillerie n'est plus qu'un banal hangar ; fort heureusement pour moi, je suis un consommateur de schnaps plus que raisonnable et je pense qu'au jour de mon enterrement quelques bouteilles de ce tonneau feront partie de mon héritage et entretiendront le souvenir que je pourrais éventuellement laisser !
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Denis
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Re: Autour de l'alambic ...

Message par Denis »

Le plus tard possible, hein? ;)
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Robert
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Re: Autour de l'alambic ...

Message par Robert »

Denis a écrit :Le plus tard possible, hein? ;)
Cela va de soi, Denis !
L'année dernière au DFU (en 2009) j'avais pris soin de prendre avec moi une petite fiole de mirabelle, produit éminemment régional, pour t'en faire cadeau ; dans le feu de l'action, la fiole est restée dans ma voiture.
Et je m'étais dit sur le moment : pas grave, ce sera pour l'année prochaine ; la mirabelle vieillit très bien. Et tu vois ce qu'il est advenu pour moi de l'année prochaine. Conclusion déductive : La mirabelle vieillit mieux que moi !
Malgré tout, je ne désespère pas de revenir au DFU !
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