Rencontres
Posté : 06 mars 2009, 15:07
Bonjour à tous.
Je veux parler de ces rencontres fortuites que le long ruban de la route peut nous offrir. En l'espace de quelques hectomètres et l'échange de quelques mots, celui qui vous a rejoint et avec lequel vous pédalez depuis cinq minutes seulement et devenu un familier.
Je sais qui il est, d'où il vient et où il va, où il réside, son état matrimonial, ses goûts en matière d'arts, sa pratique du vélo, le kilométrage de son année cycliste, ses ambitions etc ... Et puis arrive fatalement le carrefour où ce compagnon de route bifurque dans la direction opposée à celle qu'il me faut suivre.
Salut ... au revoir, ...ciao ... à plus ... bonne route ... et la solitude revenue devient soudain pesante. Je trouve que je n'avance plus. Le vent oublié reprend vigueur. Les bosses que tout à l'heure je ne remarquais plus pèsent lourdement et lancinant devient le bruissement discret de mes pneus au bitume.
Aujourd'hui, nous sommes deux ; Léo est mon plus fidèle compagnons de route. Il y a vingt ans que nous bourlinguons de concert. Tout nous oppose et paradoxalement tout nous rapproche. Nos bords politiques sont si opposés que souvent, d'un commun accord, nous abandonnons en son milieu la discussion en cours. Il est "pied-noir" et moi, métropolitain pur sucre. Mais nous avons été collègues ; et s'il vient de la compétition et moi du cyclotourisme, nos capacités à transpirer sur un vélo sont comparables, et notre amour du cyclisme, passé le cap douloureux des soixante-dix ans, est demeuré intact. Il aime les paysages, les monuments, les sites, les arbres, les fleurs, les montagnes, les insectes, les ruisseaux, le soleil, les chemins escarpés, la mer, l'Italie ... moi aussi.
En ce début mars, nous roulons en vallée de Zorn, devisant comme à l'accoutumée, quand soudain deux cyclistes nous doublent, sans coup férir et sans bonjour, sans tambour ni trompette ... Et nous n'avons pas même frémi, pas donné un coup de pédale, pas esquissé la moindre révolte devant le camoufflet ! Certes les gars sont jeunes, bien équipés, des compétiteurs à l'entraînement ... Tout de même, je dis à Léo :
- Tu crois qu'on aurait laissé faire, il y a quelques années ?
La réponse est NON ! Il y a peu de temps encore, arc-boutés sur nos machines, nous relayant avec l'efficacité que confère une longue complicité, nous nous serions amusés ... Car, jouer au chat et à la souris avec un cycliste ou un petit groupe qui a cru enrhumer facilement deux supposés croulants faisait partie de nos grands plaisirs. Un peu sadique, nous revenions ; notre "victime", après un petit coup d'oeil en arrière forçait encore sa nature. Quand il croyait être débarrassé de nous, nous faisions encore une apparition détestable dans son rétroviseur. Nous le laissions reprendre un peu de champ pour revenir de plus belle et le lâcher enfin, sans un regard, au milieu d'une bossse, à l'agonie ! Je sais, je ne devrais pas raconter ça, mais c'est du passé et aujourd'hui, la sagesse m'est venue ... par la force des choses !!!
Vous pardonnerez à la pluie mêlée de neige qui sévit encore aujourd'hui de vous avoir infligé ce récit.
Amicalement.
Robert le repenti.
Je veux parler de ces rencontres fortuites que le long ruban de la route peut nous offrir. En l'espace de quelques hectomètres et l'échange de quelques mots, celui qui vous a rejoint et avec lequel vous pédalez depuis cinq minutes seulement et devenu un familier.
Je sais qui il est, d'où il vient et où il va, où il réside, son état matrimonial, ses goûts en matière d'arts, sa pratique du vélo, le kilométrage de son année cycliste, ses ambitions etc ... Et puis arrive fatalement le carrefour où ce compagnon de route bifurque dans la direction opposée à celle qu'il me faut suivre.
Salut ... au revoir, ...ciao ... à plus ... bonne route ... et la solitude revenue devient soudain pesante. Je trouve que je n'avance plus. Le vent oublié reprend vigueur. Les bosses que tout à l'heure je ne remarquais plus pèsent lourdement et lancinant devient le bruissement discret de mes pneus au bitume.
Aujourd'hui, nous sommes deux ; Léo est mon plus fidèle compagnons de route. Il y a vingt ans que nous bourlinguons de concert. Tout nous oppose et paradoxalement tout nous rapproche. Nos bords politiques sont si opposés que souvent, d'un commun accord, nous abandonnons en son milieu la discussion en cours. Il est "pied-noir" et moi, métropolitain pur sucre. Mais nous avons été collègues ; et s'il vient de la compétition et moi du cyclotourisme, nos capacités à transpirer sur un vélo sont comparables, et notre amour du cyclisme, passé le cap douloureux des soixante-dix ans, est demeuré intact. Il aime les paysages, les monuments, les sites, les arbres, les fleurs, les montagnes, les insectes, les ruisseaux, le soleil, les chemins escarpés, la mer, l'Italie ... moi aussi.
En ce début mars, nous roulons en vallée de Zorn, devisant comme à l'accoutumée, quand soudain deux cyclistes nous doublent, sans coup férir et sans bonjour, sans tambour ni trompette ... Et nous n'avons pas même frémi, pas donné un coup de pédale, pas esquissé la moindre révolte devant le camoufflet ! Certes les gars sont jeunes, bien équipés, des compétiteurs à l'entraînement ... Tout de même, je dis à Léo :
- Tu crois qu'on aurait laissé faire, il y a quelques années ?
La réponse est NON ! Il y a peu de temps encore, arc-boutés sur nos machines, nous relayant avec l'efficacité que confère une longue complicité, nous nous serions amusés ... Car, jouer au chat et à la souris avec un cycliste ou un petit groupe qui a cru enrhumer facilement deux supposés croulants faisait partie de nos grands plaisirs. Un peu sadique, nous revenions ; notre "victime", après un petit coup d'oeil en arrière forçait encore sa nature. Quand il croyait être débarrassé de nous, nous faisions encore une apparition détestable dans son rétroviseur. Nous le laissions reprendre un peu de champ pour revenir de plus belle et le lâcher enfin, sans un regard, au milieu d'une bossse, à l'agonie ! Je sais, je ne devrais pas raconter ça, mais c'est du passé et aujourd'hui, la sagesse m'est venue ... par la force des choses !!!
Vous pardonnerez à la pluie mêlée de neige qui sévit encore aujourd'hui de vous avoir infligé ce récit.
Amicalement.
Robert le repenti.