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Quo vadis

Posté : 07 août 2025, 15:09
par Robert
Quo vadis ?



Longtemps, longtemps, longtemps, après que les poètes ont disparu
Leurs chansons courent encore dans les rues…

…….

Pourquoi tout à coup les paroles de cette chanson me sont revenues en mémoire ? je suis bien incapable de le dire.

Mon esprit bat la campagne…


Chacun va et vient à des activités diverses. Et moi, pauvre de moi, je reste assis dans mon fauteuil et sans vraiment que je le veuille , mes pensées incertaines prennent leur envol.
Leur envol ressemble à celui d’un papillon que portent des vents contraires. Comme le papillon je n’ai pas de destination précise. Je vole dans un monde incertain.

Je suis arrivé au terme du voyage et je vais descendre du train dans lequel je me suis embarqué, il y a bien plus de 80 ans. Je serai bientôt seul sur le quai dans un pays étranger. Je ne connais pas ces paysages, ni les habitants qui peuplent les campagnes et les villes. Je suis l’étranger.

Où vas-tu ? Me suis-je soudain demandé. Quo Vadis ? Que vais-je laisser là-bas sur le quai ?

Je n’ai pas été un poète et je ne laisserai pas de chanson.

……



Mais là-bas dans mon verger, j’ai planté des arbres qui porteront des fruits qui seront cueillis, peut-être.
Et ceux qui les cueilleront auront une pensée pour moi, sans doute. Comme j’ai eu moi-même une pensée pour celui qui a planté les pommiers centenaires du verger dont pendant des années j’ai cueilli les fruits.🍈

Re: Quo vadis

Posté : 10 août 2025, 11:42
par Lolo90
Bon, déjà tu n’es pas encore sur le quai
Et puis je pense que tu vas laisser derrière toi plus le souvenir que d’un simple verger ;)

Re: Quo vadis

Posté : 22 août 2025, 14:52
par Robert
Lolo90 a écrit : 10 août 2025, 11:42 Bon, déjà tu n’es pas encore sur le quai
Et puis je pense que tu vas laisser derrière toi plus le souvenir que d’un simple verger ;)
Bon, je suis encore dans le train, mais le terminus est annoncé… la locomotive a amorcé son freinage.
Tu me diras le terminus c’est pour tout le monde.
Cependant et heureusement on n’y pense que sur la fin, quand il est proche !

Re: Quo vadis

Posté : 01 sept. 2025, 16:00
par Robert
De la vie et de la mort…


La vie et la mort s’épousent et se tiennent compagnie. L’une ne va pas sans l’autre. Nos vies se nourrissent de la mort des règnes animaux et végétaux dont les restes se posent sur le monde minéral primitif… et la vie continue. C’est ainsi que la terre s’est faite.

La mort… Nous n’en parlons pas beaucoup et nous l’éloignons à juste titre de nos pensées. Nous pouvons vivre sans penser à elle.
Voilà tout le contraire de ce que nous enseignent les religions !

…..

Je me souviens de mes contacts avec la mort.

……

Le premier fut à Cluny en Saône-et-Loire.
Nous suivions le cortège funéraire de ma grand-mère paternelle. Mon père à côté de moi m’a pris par l’épaule pour me dire : tu sais, tu ne reverras plus ta grand-mère Marie.…
Mon père a eu raison de me rendre attentif à cette évidence ; une évidence pour un adulte, mais pas vraiment pour un enfant de 10 ans à qui échappe le caractère définitif de la mort.
...
L’enfance passe, avec l’adolescence, puis avec la jeunesse, sans que vraiment l’on songe à la mort. Elle est bien là, mais on l’oublie, heureusement.

…..

Je l’ai retrouvée avec une coutume dans le village de mon premier poste d’instituteur.
Dans les villages lorrains, les morts font l’objet d’une veillée qui précède leur enterrement.
La personne décédée est étendue sur un lit, dans une chambre ouverte. Les gens du village et les connaissances viennent rendre au mort un dernier hommage.
Au pied du lit, dans l’eau bénite, trempe un Goupillon. Les visiteurs en font usage pour une aspersion rituelle du mort en forme de croix, avant de s’asseoir sur un siège à côté de la personne décédée.

Je me suis plié à cette coutume religieuse, je l’ai considérée comme une obligation et je l’ai accomplie lors de tous les décès dans la commune dont je faisais partie intégrante. j’en étais tout à la fois l’instituteur et le secrétaire de la mairie.

….

J’entre dans la pièce où repose le mort. Les personnes qui m’ont précédé sont assises dans la pièce.
Je saisis le goupillon pour l’aspersion d’usage. L’air est immobile et le silence relatif est limité à des chuchotements. Mon regard se porte sur le mort aux yeux fermés et aux mains croisées sur sa poitrine comme dans une dernière prière.
Pour un moment, ma pensée est pour cette personne qui gît dans une parfaite immobilité, avec qui il y a peu j’ai parlé ; je prends conscience du poids de la mort.
Souvent, mes pensées sont troublées par l’intervention d’une personne présente qui m’interpelle. Je n’aime pas être perturbé dans ma concentration spirituelle que je voudrais conserver muette. Je n’aime pas parler dans ces moments où le silence s’imposerait tout simplement.

Josette m’a accompagné. Nous prenons congé au bout de quelques minutes et nous rentrons à la maison, là où dorment nos enfants.

…..

Je suis né catholique. J’aurais pu naître musulman, protestant ou juif, cela n’aurait rien changé. J’aurais suivi les préceptes de ma religion sans en intégrer le caractère spirituel. Je n’ai pas la foi !

J’ai été baptisé, j’ai reçu par le catéchisme les rudiments de ma religion, j’ai fait ma première communion qui est une porte d’entrée initiatique dans l’âge adulte, je me suis marié à l’église, j’ai fêté Noël et la Pâques chrétienne, et lorsque la mort m’aura rattrapé, j’aurai une cérémonie à l’église du village où je serai enterré.
En effet, je tiens à être enterré. La crémation très à la mode à présent ne me tente pas. Et je m’en explique.
Le baptême, la communion, le mariage religieux sont des cérémonies que je place au niveau de coutumes. Les canaques de la Nouvelle-Calédonie ont la coutume pour religion. À bien y regarder nous aussi. J’ai suivi la coutume catholique. L’enterrement est dans nos coutumes ;la crémation y est entré par effraction.
L’enterrement a toujours été pratiqué sous nos latitudes. C’est le logique retour à la terre. Je compte bien m’y soumettre !

……


Mes amis me pardonneront-ils cette intrusion philosophique dans mon propos ?’.. C’est un effet du grand âge qui m’a rattrapé brutalement…

Re: Quo vadis

Posté : 02 sept. 2025, 10:07
par béni
Je ne sais pas si c'est une coutume réservée à la Lorraine mais je sais que ça se faisait il y a longtemps dans mon coin de Bourgogne aussi.
Je dis "il y a longtemps" car du haut de mes 41 ans je n'ai jamais eu l'occasion d'y assister :mrgreen:.
Les rares fois où j'ai pu me recueillir auprès de nos disparus c'était dans des chambres funéraires.
Les temps ont changés, est-ce encore seulement autorisé de faire cela chez soi et non dans un établissement autorisé ?
J'ai encore (normalement) le temps de réfléchir un peu à ma cérémonie, en revanche le poids de la religion reste très présent par chez nous aussi ; et à ces occasions c'est difficile de faire l'anticlérical et de refuser les rites catholiques ! Mais bon, comme tu dis, il faut plus voir ça comme de la tradition plutôt que de la foi.
Note : n'est-il pas possible de se faire enterrer sans cérémonie religieuse ?

Re: Quo vadis

Posté : 03 sept. 2025, 08:07
par Robert
béni a écrit : 02 sept. 2025, 10:07 Je ne sais pas si c'est une coutume réservée à la Lorraine mais je sais que ça se faisait il y a longtemps dans mon coin de Bourgogne aussi.
Je dis "il y a longtemps" car du haut de mes 41 ans je n'ai jamais eu l'occasion d'y assister :mrgreen:.
Les rares fois où j'ai pu me recueillir auprès de nos disparus c'était dans des chambres funéraires.
Les temps ont changés, est-ce encore seulement autorisé de faire cela chez soi et non dans un établissement autorisé ?
J'ai encore (normalement) le temps de réfléchir un peu à ma cérémonie, en revanche le poids de la religion reste très présent par chez nous aussi ; et à ces occasions c'est difficile de faire l'anticlérical et de refuser les rites catholiques ! Mais bon, comme tu dis, il faut plus voir ça comme de la tradition plutôt que de la foi.
Note : n'est-il pas possible de se faire enterrer sans cérémonie religieuse ?
Dans une république laïque, la religion ne saurait être obligatoire. Sans savoir répondre formellement à ton interrogation je pense que la réponse est oui. Le cimetière est une propriété communale et non religieuse.
Il est assez amusant de penser que chaque religion a son cimetière, comme si les morts allaient se battre !
Je suis d’accord avec ton intervention : il est difficile de ne pas se plier aux coutumes religieuses. Je le fais sans aucun état d’âme.

Re: Quo vadis

Posté : 08 sept. 2025, 14:48
par Robert
j’avais écrit, il y a longtemps, un texte à la suite du décès de mon beau-frère. Je ne me souviens plus si je l’avais publié ou non. Comme il entre parfaitement dans le sujet traité ci-dessus, je vous le recopie. Il est resté dans mes archives.

Lettre ouverte à mon beau-frère.

Alors que la nuit est encore à ma fenêtre, qu’hier tu t’en es allé, j’éprouve ce besoin de t’écrire un mot. C’est ainsi, l’écriture est ma soupape de décompression … Je ne sais comment fonctionne le service postal de l’au-delà mais je me persuade que bientôt tu recevras ma lettre.

……………..

Voilà le décor planté.
Nous sommes réunis dans la salle réservée du funérarium de la ville pour te rendre un dernier hommage. Le diacre officie. Il vient de faire un résumé documenté de ton existence devant une assemblée réduite, à cause de la pandémie qui rend le monde malade.

Je me suis enfermé dans une tour qui n’est pas d’ivoire mais hermétique à ce qui m’entoure. Et je voyage dans le temps. Nous avons vingt ans, Jean-Paul, des blousons légers en nylon, textile importé récemment des Amériques, et nous devisons juchés sur les sièges très hauts du milk-bar à siroter à l’aide d’une paille le lait-grenadine à la mode … Tu étais mon cadet et tant amoureux de ma petite soeur que nous étions, déjà, presque, de la même famille.

Mais, la petite cérémonie qui t’était consacrée s’achève qui me tire de mes rêves. Je suis à nouveau dans le réel, autour de moi on chuchote.
Et tu es toujours là. Successivement nous allons vers ton dernier costume en forme de boîte en bois pour y poser les mains et une pensée ; je reprends la conscience que tu ne reviendra pas, mon « unique beauf ! » … Mon unique beauf c’est ainsi que nous nous interpellions, depuis très longtemps.

…………..

Changement de décor … comme dans un mauvais rêve nous voilà au crématorium de la ville. C’est toi qui a choisi tes obsèques, tu es resté très conscient, jusque dans tes derniers moments de vie.
L’assistance s’est réduite, considérablement. Nous ne sommes plus que quelques-uns de tes proches, dans une salle réservée à ta famille, près de toi qui bientôt retournera à l’état de cendres.
Mon unique beauf, tu es déjà loin et nous ne voyons plus que ton cercueil sur un vaste écran, dans un décor d’une modernité totale.
Les obsèques par crémation sont pour moi une découverte. Tu vois, tu vas contribuer un peu à ma connaissance du monde qui m’entoure et qui m’est de plus en plus étranger.
Je l’avoue, je n’ai pas aimé ce moment. Je n’aimerai jamais ces obsèques modernisés, aseptisés, américanisés, informatisés, comme un sort réservé à un condamné à mort et qui excluraient presque les chagrins de l’âme.
Je suis du temps des cimetières temps des retours à la terre qui nous a nourri, quand on recouvre le cercueil alors que l’assistance se tient debout, parfois dans le vent, la pluie, sous un ciel bleu ou gris …

……………

Nous sommes restés un moment dans cette salle si impersonnelle qu’elle ne m’a laissé que le souvenir de son écran, comme une salle faite pour un spectacle cinématographique. Et ma réflexion sur la vie et la mort s’est prolongée car l’employé spécialisé est venu nous annoncer que la crémation était différée à cause d’un « bug » informatique ! Tu vois, mon très cher « beauf », tes obsèques mêmes ont eu cette originalité emprunte de modernité !
Un temps de réflexion supplémentaire dans le silence nous est ainsi offert.

Te voilà dans l’autre monde, Jean-Paul, celui dont personne n’est jamais revenu pour nous en parler. Toutes les religions nous en font des descriptions concordantes, les bons, dont chacun espère être, qui sont heureux dans un éden magique et éternel, et les autres, les damnés, qui paient à jamais les turpitudes dont ils se sont rendus coupables ici-bas.

La vie, bien cher « beauf » … la vie a besoin de la mort pour exister, notre monde est ainsi fait. Elle dure une heure, un jour, parfois un siècle mais la mort nécessaire est inéluctable. Alors, plein d’espoir, je ne te dis pas « adieu », qui est un mot de fin, mais au revoir. « Au revoir » mon unique beauf ! A bientôt au « Pic Pic Bar » du paradis, nous y siroterons ensemble un lait-grenadine.

PS : La lettre que je t’ai écrite par la pensée cette nuit était beaucoup plus longue que celle-ci. Le clavier cruel de mon ordinateur l’a réduite, heureusement. Sans quoi, elle t’aurait donné la migraine.