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Et si l'on tuait le cochon ... lecture pour tuer le temps.

Posté : 18 août 2009, 15:20
par Robert
Bonjour à tous.

Il y a peu, nous échangions avec tad et Aline à propos de l'élevage, du meurtre et de la transformation du cochon en produits hautement alimentaires, dans nos fermes, il y a quelques décennies..

Je m'étais alors proposé de copier, pour ceux et celles qui ont le temps de lire, un texte tiré du "pain au lièvre" de Joseph Cressot, et qui traite du sujet dans un style qui me plaît.




"Chaque maison nourrissait au moins un cochon. Les petits gorets s'achetaient à certaines foires. Que d'hésitations devant la taille,l'allure, l'oreille, les promesses d'un avenir incertain ! Il fallait pourtant se décider, tirer quatre ou cinq écus, et emporter l'élu dans ses bras comme un enfant grognon.

Alors commençait une vie de parfait cénobite. Il ne sortait de sa cellule qu'à l'heure des grands nettoyages. Etourdi par l'air et la lumière, il flairait les alentours, humait des senteurs inconnues ; sans doute se réveillait en lui la lointaine ressouvenance d'ancêtres hirsutes et noirs fouillant la terre molle sous les chênes ...

Le magnifique appétit du prisonnier faisait de tout chair et graisse, même du babeurre et de l'eau de vaisselle. Il ne confiait à personne le secret de ses méditations solitaires, mais ç'eût été cruelle injustice que de le croire insensible, bête ou malpropre. Il connaissait l'heure du dîner et ne se fut pas permis d'élever la voix trop tôt ; il connaissait le pas et la voix de sa providence et les saluait d'un grognement amical.
Qu'il criât comme cinq cents cochons quand le seau d'onctueuse pâtée s'inclinait vers son auge, c'était sa façon à lui de remercier l'hôtesse.

Chaque jour cependant l'acheminait vers son destin. Quand il sortait de sa loge, ses flancs frôlaient les bords de de la soue. Pendant qu'il ronflait, insoucieux de la bise, son sort se décidait.

Le père faisait signe aux voisins , il donnait un coup de pierre aux coutelas. Au petit matin, les hommes étaient là : Le fort qui ne lâche pas ce qu'il a croché, le leste qui passe les noeuds coulants, l'intrépide qui sait le chemin de la jugulaire. On buvait la goutte, et puis l'on sortait ..."
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Extrait de "Le pain au lièvre" (Vie et mort du cochon) de Joseph Cressot.

Bon, nous nous sommes sensiblement éloigné du vélo ; il n'y a pas que le vélo dans la vie. En espérant que vous aurez apprécié le style et la comparaison délicatement teintée d'anticléricalisme dans la comparaison entre la vie du cochon et celle d'un moine ...

Re: Et si l'on tuait le cochon ... lecture pour tuer le temps.

Posté : 18 août 2009, 18:17
par Manyairs
Ah mon Robert !
J'adore !!! Moi-même dans un temps pas si reculé, nous avions trouvé sur la route, un été, alors que nous gardions la maison de mes beaux-parents dans l'yonne, un petit cochon. Elle s'était échappée et nous avions fait de gros effort pour la récupérer. Parti dans les champs, le petit était en panique.
Une fois rattrapé, nous l'avons nourrit au lait au début et très vite, nous lui offrions nos restes.
Mes beaux-parents rentrés de vacances, nous leur offrions un joli cadeau...
Une cochonne, que nous avions appelé Rosie. (Ce n'est pas très originale, mais j'avoue que cela lui allait bien).
C'était devenu un membre à part entière de la famille, mieux que les chiens de chasse... Elle était très agréable à vivre.
De bonne taille, le jour de sa mise à mort, nous avions fait l'impasse sur le traditionnel week end du cochon. (En effet, tous les ans, mes beaux-parents tuent le cochon et font leur jambon, leur chorizo et autres charcuterie à tomber !).
Mais j'avoue un peu honteux, que nous avons trouvé Rosie très bonne.
Ce rapport ambigu entre l'élevage et l'affection, les nécessités et le plaisir, l'acte de tuer pour se nourrir semblent toujours sujet à controverse.
En tout les cas, même si nous sommes très loin du vélo (quoique, moi je me sert de mes jambons pour rouler), je trouve le sujet très intéressant en ces temps troublent de crise, qui ait aussi une crise de notre consommation.

Et je ne veux pas faire mon cochon de mauvaise augure, mais les gens se tourneront forcément par des pratiques plus anciennes afin de contrer les Hypermarchés qui s'en mettent pleins les poches au détriment des éleveurs.

Re: Et si l'on tuait le cochon ... lecture pour tuer le temps.

Posté : 18 août 2009, 20:56
par Robert
C'est vrai, Richard.
"Et Rose, elle a vécu ce que vivent les roses,
L'espace d'un matin" ...

Il est difficile de transformer un animal pour lequel on a eu de l'affection en un mets, celui-ci fût-il d'une grande délicatesse.

Puisque j'y suis, encore une anecdote rurale.

Mon fils aîné avait une véritable vocation d'éleveur. En vacances chez sa grand-mère, il avait réussi à se faire acheter au marché un joli petit canard de barbarie ; Saturnin était le patronyme, peu original, du palmipède.

Mais petit canard devient et grand, et un tantinet agressif. A chacune des récréations de ma petite école rurale, Saturnin s'invitait dans la cour et se livrait à un exercice dont il raffolait : Pincer les fesses de mes petits élèves.
La solution a été de le donner à un ami, agriculteur dans le village.

Mais Saturnin n'en avait pas fini avec les facéties. Privé d'épouse, il mettait en oeuvre ses poussées libidineuses sur les poules de la ferme, lesquelles en mouraient proprement étouffées.

Saturnin subit donc un transfert de villégiature passant du poulailler à l'étable ; là, au moins, pensa le fermier, ses fantasmes sexuels ne pourraient rien sur les bovins ...
Mais un jour, le vétérinaire convié au chevet d'un veau poussa le grand hurlement de surprise quand Saturnin retrouva soudain son attirance pour les arrières-trains humains.

Je crois que cet exploit fut le dernier de Saturnin qui pas directement de l'étable à la casserole !

Pour en revenir aux coutumes rurales liées au sacrifice annuel du cochon, elles sont diverses d'une région à l'autre. Les manières de le sacrifier, de le préparer, de le transformer, mériteraient une étude ...

Re: Et si l'on tuait le cochon ... lecture pour tuer le temps.

Posté : 18 août 2009, 21:02
par Denis
On commence par quoi?
Chez mon papi, le "tueur" venait, affutait son grand couteau fin sur la meule de mon grand pere qu'il trouvait formidable, on sortait le cochon de ses appartements, on l'installait sur un petrin à l'envers, les quatre pates bien tenues, et le "tueur" sectionnait l'aorte du Batistou, et il ne souffrait pas longtemps. Mort, on retournait le petrin, et le cochon se retrouvait à l'interieur, avec de grosses chaines préalablement posées au fond pour retourner facilement et continuer de le raser facilement.

Re: Et si l'on tuait le cochon ... lecture pour tuer le temps.

Posté : 18 août 2009, 22:09
par Tadkozh
Robert a écrit :Bonjour à tous.

Il y a peu, nous échangions avec tad et Aline à propos de l'élevage, du meurtre et de la transformation du cochon en produits hautement alimentaires, dans nos fermes, il y a quelques décennies..

Je m'étais alors proposé de copier, pour ceux et celles qui ont le temps de lire, un texte tiré du "pain au lièvre" de Joseph Cressot, et qui traite du sujet dans un style qui me plaît.




"Chaque maison nourrissait au moins un cochon. Les petits gorets s'achetaient à certaines foires. Que d'hésitations devant la taille,l'allure, l'oreille, les promesses d'un avenir incertain ! Il fallait pourtant se décider, tirer quatre ou cinq écus, et emporter l'élu dans ses bras comme un enfant grognon.

Alors commençait une vie de parfait cénobite. Il ne sortait de sa cellule qu'à l'heure des grands nettoyages. Etourdi par l'air et la lumière, il flairait les alentours, humait des senteurs inconnues ; sans doute se réveillait en lui la lointaine ressouvenance d'ancêtres hirsutes et noirs fouillant la terre molle sous les chênes ...

Le magnifique appétit du prisonnier faisait de tout chair et graisse, même du babeurre et de l'eau de vaisselle. Il ne confiait à personne le secret de ses méditations solitaires, mais ç'eût été cruelle injustice que de le croire insensible, bête ou malpropre. Il connaissait l'heure du dîner et ne se fut pas permis d'élever la voix trop tôt ; il connaissait le pas et la voix de sa providence et les saluait d'un grognement amical.
Qu'il criât comme cinq cents cochons quand le seau d'onctueuse pâtée s'inclinait vers son auge, c'était sa façon à lui de remercier l'hôtesse.

Chaque jour cependant l'acheminait vers son destin. Quand il sortait de sa loge, ses flancs frôlaient les bords de de la soue. Pendant qu'il ronflait, insoucieux de la bise, son sort se décidait.

Le père faisait signe aux voisins , il donnait un coup de pierre aux coutelas. Au petit matin, les hommes étaient là : Le fort qui ne lâche pas ce qu'il a croché, le leste qui passe les noeuds coulants, l'intrépide qui sait le chemin de la jugulaire. On buvait la goutte, et puis l'on sortait ..."
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Extrait de "Le pain au lièvre" (Vie et mort du cochon) de Joseph Cressot.

Bon, nous nous sommes sensiblement éloigné du vélo ; il n'y a pas que le vélo dans la vie. En espérant que vous aurez apprécié le style et la comparaison délicatement teintée d'anticléricalisme dans la comparaison entre la vie du cochon et celle d'un moine ...
..."moine" dont la communauté me semble vraiment réduite mon aîné... ;) anachorète eut mieux "collé" aux faits exposés... ;) mais ceci dit, il est dans le vrai, le "vécu".. ;)

Tadkozh

Re: Et si l'on tuait le cochon ... lecture pour tuer le temps.

Posté : 19 août 2009, 08:37
par Robert
Salut à tous.
Je vous demande pardon pour ma dernière phrase dont le vocabulaire et la syntaxe est une offense à notre langue.
Pour Tad :
Cénobite : Moine retiré du monde ....

Comme j'ai un peu de temps avant d'aller au jardin vaquer, je vais vous conter une histoire de cochon ... et de cochonne. Les implications culturelles de mon récit seront modestes, j'en ai bien conscience et pour me dédouaner, je demande aux amis de la poésie de passer leur chemin.

La scène est en Algérie, en 1961, dans une ferme isolée du Sud Oranais. Nous sommes là, une quinzaine de militaires français, en vacances aux frais de notre bonne république.
Le propriétaire de la ferme est plein de délicates attentions pour nous ; et je ne suis pas de ceux qui colporteront ces infâmes médisances à propos des pieds-noirs qui auraient vendu leur eau aux soldats. L'homme dont je parle ne passait jamais dans sa propriété sans un tonneau de vin ou un mouton prestement changé en "méchoui" pour nous ...

Ce jour là, poussé par je ne sais quelle généreuse initiative, il arrive à la ferme avec une truie ! Vous décrire la dame m'est aisé : Elle est monstrueuse, chacun de ses pas provoque de larges vagues à son ventre ; elle est à la gent porcine ce que le bonhomme bibendum est aux humains ...

Le fermier parti, nous voilà en conférence, aux fins de savoir ce que nous allons bien pouvoir faire de ce lourd présent. Manger la bête tout de go s'avère impossible : Sa chair n'étant que graisses, elle aurait donné à tous un taux intolérable de cholestérol.
Et voilà le fruit de nos réflexions ; il ne faut jamais désespérer des capacités réflexives des soldats (n'y a-t-il pas une branche de l'armée qualifiée de "GENIE" )... La lumière soudain nous vient. Nous allons alerter un éleveur de porc voisin et faire saillir notre pensionnaire aux fins de disposer d'une portée jolie de porcelets roses. Un rêve digne de la fable de ce bon Monsieur de La Fontaine : "La laitière et le pot au lait".

Sitôt dit, sitôt fait : L'éleveur empressé arrive avec une cage. Dans la cage un verrat, un petit verrat, viril certes, mais si petit.

Le mâle est lâché dans l'enclos de sa dame. Celle-ci, s'imaginant de libidineux ébats, manifeste son contentement par de joyeux grognements.
Ce qui suit n'est guère racontable. Le cochon poursuit sa cochonne mais son but trop élevé s'avère rapidement inaccessible. Il répand sa semence dsans l'enclos tandis que la dame s'impatiente. Bête comme une cochonne, elle ne songe à s'agenouiller ; au contraire, la rage la prend et elle donne à l'incapable des coups de boutoir de plus en plus violents, tant est si bien que le propriétaire du verrat s'inquiète, à juste titre, pour la santé de son protégé cependant que le cercle des spectateurs que nous avons formé pouffe de rire sans vergogne.

Epilogue :
Après bien des tracas, nous avons réussi à remettre le représentant de la corporation masculine à l'abri dans sa cage, que son propriétaire a rapatrié prestement, et nous avons rendu sa dame à son propriétaire sans jamais connaître ce qu'il est advenu d'elle.
Adieu, veau, vache, cochon, couvée ....

Re: Et si l'on tuait le cochon ... lecture pour tuer le temps.

Posté : 20 août 2009, 17:05
par Tadkozh
[quote="Robert"]Salut à tous.
Je vous demande pardon pour ma dernière phrase dont le vocabulaire et la syntaxe est une offense à notre langue.
Pour Tad :
Cénobite : Moine retiré du monde ....

...retiré du monde mais vivant en communauté ;) dans cas présent, la vie en communauté me semble réduite à sa plus simple expression pour notre petit goret : il est seul..! d'où ma proposition d'anachorète, vivant également retiré du monde mais seul ;)

Tadkozh

Re: Et si l'on tuait le cochon ... lecture pour tuer le temps.

Posté : 20 août 2009, 17:12
par Tadkozh
Denis a écrit :On commence par quoi?
Chez mon papi, le "tueur" venait, affutait son grand couteau fin sur la meule de mon grand pere qu'il trouvait formidable, on sortait le cochon de ses appartements, on l'installait sur un petrin à l'envers, les quatre pates bien tenues, et le "tueur" sectionnait l'aorte du Batistou, et il ne souffrait pas longtemps. Mort, on retournait le petrin, et le cochon se retrouvait à l'interieur, avec de grosses chaines préalablement posées au fond pour retourner facilement et continuer de le raser facilement.
...mon grand-père agissait plus "perfidement" mais ô combien sa méthode était efficace ! ;) il apportait au cochon un plein seau de patates bouillies dont la bête raffolait. La tête dans le seau il le séchait sur place d'un coup de merlin ! Pas de stress, pas d'adrénaline, le cochon restait sain ! Il était alors monté sur l'établi, saigné et débité.. ;)

Tadkozh

Re: Et si l'on tuait le cochon ... lecture pour tuer le temps.

Posté : 20 août 2009, 17:37
par Robert
Tad, pour revenir à la terminologie monastique, je pense que le choix du mot "cénobite" est justifié dans le texte de J. Cressot par le fait que le cochon ne vit pas isolé, mais dans une collectivité : la ferme. Il y a sa cellule, et ses repas lui sont servis !

Re: Et si l'on tuait le cochon ... lecture pour tuer le temps.

Posté : 21 août 2009, 13:43
par Robert
Après mon histoire de cochon un peu cochonne (tiens, pourquoi n'y a-t-il pas de carré blanc sur "cyberpotes" ?), je reviens à la culture :

Si vous avez dans vos entourages un jeune d'une dizaine d'années, offrez lui en lecture :

"Les contes du chat perché" de Marcel Aymé.

Ces contes ont une ferme pour cadre et pour personnages les habitants et les animaux de la ferme. Ils ont l'avantage d'une écriture dans un français dont les enfants peuvent s'imprégner et les contes intéressent généralement..