Depuis ma tendre enfance, la fin des vacances scolaires rimait toujours avec la cueillette des champignons. En ces temps anciens où nos éleveurs et paysans soignaient leur patrimoine sans l'aide de l'empoisonneur "Monsanto", il était possible de faire la cueillette, dans l'herbe des prés humides de rosée, de cette psalliote qui ressemble, à s'y méprendre, au champignon de Paris, lequel n'est qu'une pâle imitation d'élevage de nos rosés des prés.
Hélas, Monsanto a sévi, élevage et agriculture sont aujourd'hui soumis aux injonctions de la culture intensive, ce qui fait de tout ce qu'on y glanait autrefois, de véritables poisons ! Je pense aussi aux pissenlits dont nous faisions, avec l'aide de lardons grillés, de délicieuses salades de printemps ...
Mais pourquoi parler d'un temps qui ne reviendra plus ...
Désormais, mes cueillettes se limitent aux champignons de forêts que je pense, peut-être à tort d'ailleurs, moins contaminés que les rosés des prés.
Je n'aurai l'outrecuidance de me parer du titre honorable et scientifique de mycologue car je ne suis qu'un vulgaire "mycophage". Cependant, mes longues errances en forêts de toutes natures, mes lectures de quelques bons livres spécialisés font que mes connaissances en matière de champignons dépassent le bagage d’un citoyen moyen.
Ces cryptogrammes ont subi, comme tous les êtres vivants, le lourd tribut du classement décrété par l'homme : Ainsi sont des familles, de coronaires en amanites, qui simplifient leur connaissance.
Je l’avoue, mon intérêt va surtout à ceux qui sont comestibles et dont certains sont dignes d’une chronique dans le petit coin d’Epicure, chronique dont ne s’est jamais privé, dans un passé récent, notre ami Tad. C’est un travers que nous partageons.
Qui dira jamais le bonheur de partir au petit matin, alors que le soleil s’étire sur l’Est et que des brumes légères comme des elfes s’élèvent des vertes pâtures ; et s’évader discrètement des chaleurs du foyer dans la fraîcheur des premières heures du jour avec ce sentiment que dans la nuit un invisible magicien a sonné l’heure du réveil pour le monde ensommeillé des champignons …
Je ne le cacherai pas, j’ai des chouchous : La voyante girolle jaune par exemple, ou la discrète trompette de la mort, les armillaires couleur de miel, les coulemelles à grands cous, la délicieuse golmotte qui saigne lorsqu’on la coupe, et les cèpes aussi, surtout celui de Bordeaux en forme de bouchon de champagne en sa prime jeunesse qui a toujours eu ma préférence.
Certains champignons sont d’une saisissante beauté, comme l’amanite tue-mouche, mais elle n’a pas la vertu d’être comestible. Elles sert surtout à illustrer les contes pour enfants. Belle mais de peu d'intérêt !
D’autres sont des poisons redoutables comme la très commune amanite phalloïde qui prend plusieurs costumes pour mieux nous tromper…
Ce matin, dès l’aube, je suis parti en chasse, persuadé que la conjonction des fortes pluie de l’avant veille associée à la chaude journée d’hier avaient sonné le réveil des champignons comme le clairon de la diane sortait naguère le militaire encaserné de son lit.
Las, le monde mycologique répond à des lois que la raison humaine ignore et je viens de connaître une quasi bredouille honteuse. A peine ai-je trouvé quelques girolles et cèpes pour parfumer une omelette !
Les vins connaissent des crus ; les champignons ont les leurs. 2 017 avait été une année faste pour les mycophages, l’année 2 018 commence très mal.
Voilà octobre à ma porte et je n’ai encore pas trouvé le jour d’une bonne cueillette.
Je me console car marcher au petit matin sous les grands arbres et respirer à pleins poumons l’air de mes Vosges familières sont des petits bonheurs qui effaceraient toutes les peines !
En deux images :
Un chemin au soleil de l'aube ...

Un "coin" secret. (Nul ne révèle ses coins à champignons !)
