Je viens de passer une journée particulière ; bien que surréaliste et mémorable, je vais tenter de l’oublier !
Pour la petite histoire, ma dernière sortie à vélo n’a été qu’une longue séance de torture qui s’est achevée en faisant d’un cycliste un patient des médecins et des médecines … un patient impatient qui ne peut plus circuler, intra-muros, qu’avec l’aide conjointe de deux béquilles et de mon épouse qui assume absolument tout, y compris le rôle d’infirmière auprès d’un très mauvais malade, râleur, pessimiste et de très mauvais poil.
En ce quatrième jour d’immobilisation, vu que ma bonne nature se refuse obstinément à me remettre sur pied, j’ai demandé la visite de mon médecin traitant, qui est mon médecin depuis près de trente ans et en qui j’ai grande confiance.
Examen, sans diagnostic formel : une crise d’arthrose aiguë ; reste à en connaître la cause. Si il y a une descellement de prothèse de hanche, seul un scanner pourra le déterminer …
Vu mon état ambulatoire, il me prescrit un passage aux urgences de l’hôpital de Sarrebourg, assorti d’un transport en VSL aux fins d’avoir le scanner qui permettra un diagnostic.
« Si j’aurais su, j’aurais pas venu » (Petit Gibus dans la guerre des boutons).
Me voilà donc embarqué pour un séjour aux urgences.
Déjà, je ne m’appartiens plus. On me soutient, on m’encourage, on me véhicule sur une chaise roulante comme le petit vieux impotent qu’à mon corps défendant je suis devenu ; et me voilà embarqué vers un univers étranger et étrange que je vais vous dépeindre.
Je ne puis faire cette description globalement négative et volontairement ironique sans cette observation préalable:
Les services des urgences des petits hôpitaux des petites localités constituent un maillage indispensable pour la santé publique. Le personnel qui y officie est plein d’aménité, d’humanité bienveillante, de bonne volonté aussi … Resteraient le moyens matériels.
……………
J’arrive au service des urgences à 14 heures, en résumé, pour y faire un scanner ; j’en sortirai à 21 heures, sans scanner, après sept heures d’errances dans des couloirs sans fin, juché sur un inconfortable siège à roulettes.
Sur ces sept heures d’attentes diverses, je ne pense pas avoir été en présence de personnel médical plus de vingt minutes.
J’aurai subi une radio, dont mon médecin m’avait affirmé qu’elle est inutile, un ou deux examens cliniques rapides, une piqûre de je ne sais quel produit pour éviter les phlébites (maladie qui m’est totalement étrangère), une prise de sang … et une ordonnance établie par la jeune interne de service.
Voilà une petite jeune femme, que, croisée dans la rue, j’aurais pris pour une élève entrant en classe de sixième ; elle rédige une ordonnance longue comme jour sans pain. Pas d’anti-inflammatoires (elle affirme que ça n’est pas bon pour les personnes âgées - peloton qu’avec mes 80 ans je déplore d’avoir intégré) mais des dizaines de piqûres contre la phlébite, des boîtes d’antalgiques, et surtout une lettre pour le chirurgien qui m’a opéré il y a vingt cinq ans et avec lequel elle me demande de prendre rendez-vous le plus vite possible …
Et j’oublie de dire, tant il m’a semblé anodin, un examen par deux chirurgiens du service.
Un noir sculptural d’une grande aménité.
Un petit homme court en pattes et rondouillard, visiblement étranger car il ne maîtrise que très imparfaitement la langue de Voltaire.
Pas xénophobe pour deux sous, je m’interroge néanmoins : Comment se fait-il que le médecin français, en milieu hospitalier, soit devenu si rare ?
Au terme de cet examen conjoint des deux chirurgiens, pas de diagnostic précis … des excroissances osseuses (ce que je sais depuis 20 ans), de l’arthrose (je sais aussi). Je reçois, en conclusion, une invitation à consulter le chirurgien qui m’a opéré afin que celui-ci se détermine pour une éventuelle ré-intervention. Invitation qui sera répétée par la petite interne qui m’a pris sous son aile secourable.
…..
Il est 21 h … J’émets timidement auprès de l’interne l’avis qu’il me faudrait rentrer à la maison et que, dans l’état qui est le mien, le VSL qui m’a amené ici s’imposerait.
Rien n’est prévu à cet effet et me voilà avec quelques cheveux gris supplémentaires.
Fort heureusement, la petite interne qui m’a pourvu tout à l’heure d’ordonnances diverses avise un ambulancier qui passe par là et qui se chargera de me ramener à la maison !
OUF ! Je l’ai échappé belle !
……
Les urgences des hôpitaux pourraient faire l’objet d’un examen diagnostic.
Je vais résumer mon opinion (peu fondée il est vrai).
Les urgences sont dévoyées de leur rôle premier qui est de traiter les situations graves : Accidents routiers et autres, infarctus ou autres malaises subits qui engagent la vie.
Les urgence sont encore cela.
Mais elles sont aussi la médecine offertes aux pauvres. Pauvre médecine ou médecine des pauvres. C’est l’image que ce service m’a donné.
S’y retrouvent les patients sans médecin …
Certes un personnel avenant dont je ne me permettrais pas de juger des compétences, mais des locaux sommaires, insuffisants (les salles d’attentes qui débordent largement dans les couloirs), une atmosphère étouffante de stress et misères, des salles d’examen exiguës et mal équipées (pour celles que j’ai vues).
A l’issue de ce moment de vie j’émets le simple voeux de ne plus être confronté à un séjour de ce type. Mais ça, c’est un lieu commun !