A l'enterrement d'une amie ...
Posté : 10 févr. 2020, 15:58
A l'âge qui est le mien, je suis plus souvent aux enterrements qu'aux baptêmes, mariages ou premières communions ... le temps s'en va.
...........................
Aujourd'hui, c'est un jour torturé de tempêtes, un jour de février ; j'ai bravé le grand vent, les risques de routes barrées de chutes d'arbres et d'inondations, pour me rendre à l'enterrement d'une vieille dame de quatre-vingt dix ans ; je l'ai connue naguère jeune, Thérèse, gaie et pédalante ... Les pages de son existence se sont tournées et le livre de sa vie s'est fermé avec la douceur qui a toujours été la sienne.
Avant d'enter dans l'église moderne, sur son parvis, je croise quelques compagnons de route d'autrefois ; je ne les ai pas vus depuis plus de trente ans ; ils ne m'ont pas vu depuis un laps de temps identique et nous nous devinons à travers ce masque que le temps a posé sur nos visages, nos attitudes, nos démarches.
Mon ami Robert, mari de la défunte, a été posé là, sur une chaise roulante. Ses jambes ne le portent plus. Je lui touche l'épaule. Nos regards se croisent. M'a-t-il reconnu ?
D'autres rencontres encore ...
Une poignée, de main, un sourire ... Ca va ? ... Oui, à peu près ... Et toi ? ...
En réalité, ces longs moments de vide ont asséché nos échanges qui cèdent la place à l'affligeante banalité. Il nous faudrait du temps, un peu de temps, un peu plus de temps pour raviver des souvenirs ...
J'entre dans l'église avenante et moderne L'espace me semble ouvert et vaste, chaud, confortable, inondé d'une lumière multicolore qui tombe des vitraux aux formes d'une belle rigueur géométrique.
Je m'assieds. Il fait bon. J'oublie tout ce qui m'environne. Je suis seul, comme sur un tapis qui serait volant, entre le sol et l'infini d'un monde imaginaire. Je revois Thérèse ... Elle a posé sa bicyclette sur une clôture. C'est au plus beau d'un mois de juin resplendissant et révolu. Elle cueille des cerises à l'arbre et s'en fait des pendants d'oreilles ...
.......................
Un énorme nuage noir passe. Je viens de passer du juin au soleil d'une route des Alpes à l'hiver noir dans une église de Lorraine. La nef s'est assombrie soudain et des pensées kafkaïennes surviennent. Je sors de mon rêve en quelques instant par une métamorphose subite de la pensée, je passe de la lumière à l'ombre, de l'été rayonnant à l'hiver, de la vie à la mort ...
Autour de moi, seuls subsistent dans mes pensées quelques restes de cette vie de rires et de gaietés d'autrefois.
Silence et obscurité ...
..........................
Mais bientôt la lumière revient après que les nuages aient été chassés par le grand vent d'hiver. Un dernier chant. La porte de l'église s'ouvre. L'assistance coule vers la rue, la ville et ses rumeurs ...
Adieu Thérèse.
La vie continue.
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Aujourd'hui, c'est un jour torturé de tempêtes, un jour de février ; j'ai bravé le grand vent, les risques de routes barrées de chutes d'arbres et d'inondations, pour me rendre à l'enterrement d'une vieille dame de quatre-vingt dix ans ; je l'ai connue naguère jeune, Thérèse, gaie et pédalante ... Les pages de son existence se sont tournées et le livre de sa vie s'est fermé avec la douceur qui a toujours été la sienne.
Avant d'enter dans l'église moderne, sur son parvis, je croise quelques compagnons de route d'autrefois ; je ne les ai pas vus depuis plus de trente ans ; ils ne m'ont pas vu depuis un laps de temps identique et nous nous devinons à travers ce masque que le temps a posé sur nos visages, nos attitudes, nos démarches.
Mon ami Robert, mari de la défunte, a été posé là, sur une chaise roulante. Ses jambes ne le portent plus. Je lui touche l'épaule. Nos regards se croisent. M'a-t-il reconnu ?
D'autres rencontres encore ...
Une poignée, de main, un sourire ... Ca va ? ... Oui, à peu près ... Et toi ? ...
En réalité, ces longs moments de vide ont asséché nos échanges qui cèdent la place à l'affligeante banalité. Il nous faudrait du temps, un peu de temps, un peu plus de temps pour raviver des souvenirs ...
J'entre dans l'église avenante et moderne L'espace me semble ouvert et vaste, chaud, confortable, inondé d'une lumière multicolore qui tombe des vitraux aux formes d'une belle rigueur géométrique.
Je m'assieds. Il fait bon. J'oublie tout ce qui m'environne. Je suis seul, comme sur un tapis qui serait volant, entre le sol et l'infini d'un monde imaginaire. Je revois Thérèse ... Elle a posé sa bicyclette sur une clôture. C'est au plus beau d'un mois de juin resplendissant et révolu. Elle cueille des cerises à l'arbre et s'en fait des pendants d'oreilles ...
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Un énorme nuage noir passe. Je viens de passer du juin au soleil d'une route des Alpes à l'hiver noir dans une église de Lorraine. La nef s'est assombrie soudain et des pensées kafkaïennes surviennent. Je sors de mon rêve en quelques instant par une métamorphose subite de la pensée, je passe de la lumière à l'ombre, de l'été rayonnant à l'hiver, de la vie à la mort ...
Autour de moi, seuls subsistent dans mes pensées quelques restes de cette vie de rires et de gaietés d'autrefois.
Silence et obscurité ...
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Mais bientôt la lumière revient après que les nuages aient été chassés par le grand vent d'hiver. Un dernier chant. La porte de l'église s'ouvre. L'assistance coule vers la rue, la ville et ses rumeurs ...
Adieu Thérèse.
La vie continue.