La chute (suite)

Quand j'étais môme, le garde-champêtre tambourinait sur la place du village, criait alentours "Avis à la population !" pour informer et rappeler les règles.

Dans cette rubrique, quelques rappels de l'attitude Cyberpotes. Vous trouverez aussi, à l'occasion des infos destinées à tous !
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Lolo90
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Re: La chute (suite)

Message par Lolo90 »

A Pfortzheim certains ont tiré sur des chevreuils ou sangliers durant les gardes au poste à munitions qui était dans les bois.
Comme on n’était pas en guerre chaque tir à balles devait être signalé par un beau rapport et pour ces pauvres , une peine de plus prison était obligatoire
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Robert
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Re: La chute (suite)

Message par Robert »

Sans doute poussé par ses diables, ce fameux Djellouli se révèla par ailleurs être un fameux "lapin". Ce jour là, la harka avait été conviée par l'autorité à une patrouille de routine, patrouille sans histoire, effectuée sous le commandement de Pierre, Yvon Mermet et de Kader.
Rentré à la nuit tombante, Pierre avait regagné sa chambre quand sa porte reçut une volée de coups, accompagnés de hurlements de fureur. C'était le caporal harki Tayfour qui manifestait son indignation.
-Serjan! Serjan!(sergent) Yen a le Djellouli qui bise mon femme! Viens serjan, tu verras.
Mené dans le campement, à l'entrée d'une khaïma dans laquelle règne le plus grand désordre, Pierre est chargé de faire le constat. Une pauvre petite femme qui vient, bien entendu, de subir une mémorable bastonnade, châtiment corporel attaché à son inconduite, est recroquevillée à même le sol, cachant au mieux sa honte et son visage tuméfié sous une couverture de laine berbère; elle est entourée des membres de la famille Tayfour tous outragés et menaçants. Quant à Djellouli, le vil séducteur, il a prudemment jugé utile de disparaître de la circulation.
Pierre se souvient alors de certains détails : Avant le départ de la patrouille, Djellouli s'était prétendu très malade. Pierre l'a dispensé de patrouille afin qu'il se soigne. L'intéressé n'avait soigné que...sa libido!
Cet empressement coupable auprès des femmes des autres, puisque lui-même était célibataire, valut à Djellouli, à compter de ce jour mémorable, l'honneur et l'avantage d'être de toutes les sorties, opérations et patrouilles organisées à partir de la ferme de Traverse en sorte qu'il ne puisse exercer son pouvoir de séduction sur les femmes de ses collègues.
Bien entendu, Tayfour répudia sa femme, coupable d'adultère patent. Elle fut invitée à regagner séance tenante la tente des siens au regroupement voisin de Sidi Mimoun. L'infortuné mari se consola très vite. Parti un matin avec une maigre vache et un mouton, il revint le jour même nanti d'une femme nouvelle, pour laquelle il avait donné la vache maigre et le mouton. Allait-elle, cette nouvelle épouse, être fidèle à son "acheteur"...rien n'est moins sûr. Commerce et sentiments ne font pas forcément bon ménage. En tous les cas, le lendemain, s'adressant à Pierre, Tayfour affirma:
Serjan, citte femme là, li bonne!
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Lolo90
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Re: La chute (suite)

Message par Lolo90 »

Hé bien, à part le souci de l'honneur perdu envers la communauté on sent bien l'amour profond qu'il avait pour sa femme :?
Et une vache et un mouton ce n'est finalement pas trop cher pour une deuxième femme :shock:

Quand je vois ce que cela nous coûte au moment des soldes :lol:
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Denis
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Re: La chute (suite)

Message par Denis »

:kr Sacré Djelouli!
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Robert
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Re: La chute (suite)

Message par Robert »

Parfois, Monsieur Pastor venait au poste. Il arrivait toujours au volant de sa vieille voiture, avec la liaison militaire en provenance de Saïda, entre un GMC et un Half-Track; si les routes étaient plus sûres qu'en 1956 ou 1957, la prudence demeurait de mise. En raison de la situation plus calme, on avait supprimé la couverture aérienne autrefois indispensable aux convois.
Monsieur Joseph Pastor était le "colon " de la ferme de Traverse. Qui a dit que les colons refusaient un verre d'eau aux militaires du contingent? Pierre Desarmoise témoignera du contraire. Monsieur Pastor était un homme de bonne compagnie. Le verbe haut, le teint couperosé, il passait souvent au poste. Et sa venue était toujours une fête. Il arrivait flanqué de Basso, son fermier, un marocain sec comme un sarment de vigne. Habitué aux durs travaux de la terre, Basso accompagnait Joseph Pastor pour entretenir le jardin attenant à la ferme et y récolter selon la saison le fruit de son labeur. Ce jardin était une merveille. En Algérie, là où coule l'eau, on peut faire plusieurs récoltes dans l'année. Courgettes, tomates, haricots poussaient en abondance grâce aux bons soins de Basso et à l'eau des réservoirs où parfois les soldats se plongeaient aux soirs de braise.
Quant à Joseph Pastor, pendant que son fidèle Basso travaillait au jardin, il s'occupait du bien être des soldats. Une bonbonne de vin rosé était extraite du coffre de sa voiture. Il fallait immédiatement aller quérir Djelloul, le sergent de la harka qui dirigeait l'achat, le sacrifice, la mise à la broche et la cuisson du mouton offert par le colon. Au milieu de la cour de la ferme, le méchoui achevait sa cuisson, arrosé de sauces magiques et épicées. Jamais Pierre n'avait goûté chair plus délectable que celle des moutons maigres des montagnes algériennes, nourris à l'herbe sèche et rare des hauts plateaux. Alléchantes odeurs. L'heure venue, le cercle se formait autour de la victime dégoulinante et les assiettes se tendaient vers Djelloul. Armé d'une longue fourchette et d'un couteau aiguisé celui-ci détachait de la carcasse brûlante des lambeaux de chair délicieusement grillés. Agapes réservées aux hommes et souvent recommencées lors des visites de M. Pastor, mais aussi à l'occasion des fêtes du calendrier islamique. Quelle chaleur, quelle convivialité, quelle hospitalité autour des khaïmas lors de l'aïd El Sghir ou l'aïd El K'bir! Vertus d'un savoir vivre que notre civilisation a perdu, hélas.

Les femmes des harkis ne sortaient jamais de leurs khaïmas que couvertes de voiles et pour vaquer à des tâches ménagères précises. Jamais elles n'étaient invitées aux festins. Ombres furtives appelée à rester dans l'ombre, ainsi vivaient aussi celles du regroupement, inscrites dans l'ombre épaisse des tentes.

Monsieur Pastor repartait avec le convoi suivant.
Les gars, s'exclamait-il en riant au moment de reprendre place à bord de sa 203 Peugeot, vous ne direz pas, en rentrant dans la métropole, que les colons ne vous ont même pas offert un verre d'eau!
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Lolo90
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Re: La chute (suite)

Message par Lolo90 »

Apparement ce Joseph traitait bien les personnes mais il a du faire ses valises après la guerre
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Denis
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Re: La chute (suite)

Message par Denis »

J’ai eu l’occasion de participer à un méchoui, et je le confirme, c’était un régal…
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Robert
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Re: La chute (suite)

Message par Robert »

Avril avait fleuri. Le joli mai s'avançait. Pierre voyait s'approcher le jour de son retour au pays. Il était parti le coeur lourd de quitter sa Lorraine avec la perspective de cette longue séparation...Claire. Pierre n'avait rien oublié, cependant, la rupture de ce lien avait sans doute atténué la difficulté pour lui de vivre si loin des siens. Elle avait aussi modéré son impatience. Rentrer certes, mais rentrer pour quoi? Pour qui? Il s'était habitué à ce pays, il avait subi son envoûtement. Il allait le quitter, sans doute, mais sans hâte, presque à regret. La Lorraine qu'il avait laissée derrière lui n'était plus. Elle ne serait pas celle qu'il avait espéré retrouver. Par convention plus que par conviction, il s'exclamait parfois, comme les autres, ce mot mille fois prononcé : "la quille!" Elle approchait, la quille mais elle ne provoquait pas cette joie délirante qu'on pourrait imaginer.

Et puis il y avait eu Maghnia...


CHAPITRE 11.




MAGHNIA



Pierre l'avait rencontrée à Aïn Balloul, sans lui prêter attention. Depuis, leurs relations amicales s'étaient confirmées de semaine en semaine. La jeune femme était affectée au regroupement de Traverse tous les vendredis. Le vendredi était devenu pour Pierre le jour de la semaine attendu, celui sur lequel il évaluait la fuite inexorable du temps, celui qui rompait la monotonie des jours.
Maghnia aimait son travail à Traverse. Tout y était intime, la ferme, le regroupement, la petite chambre qu'elle occupait parfois lorsqu'il lui fallait attendre la liaison du lendemain. Pierre l'accompagnait le plus souvent possible dans ses activités sociales. Leur relation amicale s'était nouée lentement, au fil des mois, jusqu'à ce premier vendredi de mai.
Pierre et Maghnia viennent de franchir la porte de la ferme.
- Pierre, on pourrait se reposer un instant au jardin, il est si calme..ça me ferait du bien.
- Si tu veux..
Maghnia. Le printemps triomphant. Qu'elle était belle, jupe légère et corsage blanc. Lourde chevelure noire sur ses épaules frêles. Vision d'un autre temps. L'heure du berger, pleine de senteurs, pleine de rumeurs. La brise des soirs de miel égarée là, portant le mirage irréel d'un impossible bonheur.
Ils se sont assis au bord de la réserve d'eau. Il a laissé sa main pendre dans l'onde attiédie. Ils se sont sentis soudain seuls, loin du monde et du bruit, hors de l'espace, hors du temps, hors d'eux même. Elle a pris sa main dans l'eau et leurs doigts, d'instinct, se sont croisés. Ils ne se sont pas regardés. Ce contact de leurs mains dans l'eau était l'aboutissement d'un long cheminement, celui qui s'affranchit de tout et qu'aucun raisonnement ne perturbe, que rien ne peut ralentir ou freiner. Le jardin de Basso était devenu le jardin merveilleux de Maghnia, déesse unique, détentrice des secrets de l'éternité. Rare instant où l'on croit toucher le sublime.
Les mots n'ont aucune importance. Pierre et Maghnia n'avait échangé que ce geste bref et fort. Etreinte des mains, geste d’une vraie solidarité impuissante dans un monde hostile.
Ils étaient rentrés à l'heure du souper, côte à côte, comme toujours. Le secret, ils étaient seuls à le tenir serré en eux. Il pesait très lourd mais restait parfaitement invisible aux autres. Le souper avait été sans histoires. Il avait fallu subir les blagues lourdaudes de Guénado. Le tourne-disque avait égréné les dernières chansons de Dalida alors au sommet de sa gloire.
Maghnia devait rester à Traverse, ce soir là, faute de liaison. Elle ne devait regagner Saïda et les sien avant de bénéficier de ses congés annuels pour un mois.
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Lolo90
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Re: La chute (suite)

Message par Lolo90 »

Quel tombeur ce Pierre !! :kapm
benoit
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Re: La chute (suite)

Message par benoit »

Denis a écrit : 04 sept. 2023, 05:12 J’ai eu l’occasion de participer à un méchoui, et je le confirme, c’était un régal…
Je ne suis pas vraiment etonne :D
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