Le meilleur moyen de se remettre de la rupture avec Claire peut etre
La chute (suite)
-
- Messages : 3815
- Enregistré le : 07 nov. 2012, 19:22
- Contact :
- Robert
- Messages : 26758
- Enregistré le : 21 janv. 2009, 20:38
- Localisation : SARREBOURG
- Contact :
Re: La chute (suite)
La nuit allait être longue. En effet, l’adjudant Guénado, la libido en berne avec l’illusion de disposer d’un droit de cuissage en raison de sa position de chef de poste, était à la porte de la pièce qui servait de chambre à Maghnia. Elle avait baptisé ce bonhomme Boukrissa, qui est la version arabe de L’Affreux Jojo. Effectivement, l’adjudant chef de poste ne s’était pas déplacé pour composer un madrigal, mais plutôt pour tenter de soulager ses instincts animaux ! Éconduit, la queue basse et portant bas l’oreille, comme le renard trompé par la cigogne de la fable de Jean La Fontaine…l’ adjudant ne venait pas d’ajouter une décoration à sa tenue d’apparat !
Cependant, il venait d’introduire une inquiétude chez Maghnia. Elle alla immédiatement frapper à la porte de Pierre. Pierre n’y était pas.
Pierre était de garde ce soir là. Hors de question d’abandonner son poste. Avisant Maghnia dans la cour de la ferme il l’accompagna en lieu sûr …pour la nuit.
C’était à la fois leur dernière rencontre dans l’intimité , et leur adieu définitif puisque le retour de Pierre en Lorraine était programmé pour les trois semaines à venir. Ils ne devaient plus se rencontrer.
Histoire brève, fugace, volatile comme un parfums dont un instant efface la fragrance, mais dont on se souvient.
Et le jour de la quille est arrivé ; Pierre en avait moins de plaisir qu’il ne l’avait pensé.
Pierre a le ressenti du joueur de football qui rentre après une lourde défaite. Et la guerre nous l’avons perdue. Nous laissons un pays exsangue et qui ne tardera pas à succomber à la guerre civile. pauvre Algérie.
J’ai peur pour nos harkis, pour Maghnia qui ont fait le mauvais choix de faire confiance à la France, de m’avoir fait confiance, pense Pierre, et il s’en attriste.
De cette période il ne lui restera rien que des souvenirs.
————
Un au revoir chaleureux avec les copains du poste et avec les harkis. Un au revoir moins chaleureux avec l’adjudant Guénado
Cependant, il venait d’introduire une inquiétude chez Maghnia. Elle alla immédiatement frapper à la porte de Pierre. Pierre n’y était pas.
Pierre était de garde ce soir là. Hors de question d’abandonner son poste. Avisant Maghnia dans la cour de la ferme il l’accompagna en lieu sûr …pour la nuit.
C’était à la fois leur dernière rencontre dans l’intimité , et leur adieu définitif puisque le retour de Pierre en Lorraine était programmé pour les trois semaines à venir. Ils ne devaient plus se rencontrer.
Histoire brève, fugace, volatile comme un parfums dont un instant efface la fragrance, mais dont on se souvient.
Et le jour de la quille est arrivé ; Pierre en avait moins de plaisir qu’il ne l’avait pensé.
Pierre a le ressenti du joueur de football qui rentre après une lourde défaite. Et la guerre nous l’avons perdue. Nous laissons un pays exsangue et qui ne tardera pas à succomber à la guerre civile. pauvre Algérie.
J’ai peur pour nos harkis, pour Maghnia qui ont fait le mauvais choix de faire confiance à la France, de m’avoir fait confiance, pense Pierre, et il s’en attriste.
De cette période il ne lui restera rien que des souvenirs.
————
Un au revoir chaleureux avec les copains du poste et avec les harkis. Un au revoir moins chaleureux avec l’adjudant Guénado
- Robert
- Messages : 26758
- Enregistré le : 21 janv. 2009, 20:38
- Localisation : SARREBOURG
- Contact :
Re: La chute (suite)
EPILOGUE.
Bon, le temps est venu de tomber le masque.
Pierre Désarmoises est mon frère jumeau, mon sosie, mon double, plus encore… moi-même. Pardonne moi, personnage virtuel d’avoir ainsi usurpé ton identité.
Alors qu’un bateau me ramène vers ma Lorraine, je reprends mon identité.
15 juin 1961.
J’ai tout juste 23 ans.
Je me prélasse sur le pont du « ville d’Oran », un bateau qui a assuré le passage entre les villes d’oran et de Marseille pour les pieds noirs désireux de se rendre en métropole, aux temps bénis de la paix.
Il assure aujourd’hui le retour des militaires vers leurs bases.
Sous-Officier, j’ai donc le privilège du pont supérieur.
L e soleil de juin est au zénith et je me prélasse, en civil, dans un transat. En civil car j’ai rendu mon paquetage militaire à Saïda.
La quille ! C’est ainsi que les appelés sous les drapeaux désignaient le moment béni où ils allaient être rendus à la vie civile.
Je navigue aujourd’hui entre deux villes, deux côtes, deux vies, celle que je quitte et celle que je vais retrouver après vingt-huit mois d’absence ; je navigue dans mes pensées aussi.
L’armée.
L’armée m’a servi de famille de substitution.
La mienne, la vraie, elle m’a un peu oublié et je l’avoue, moi aussi je l’ai oubliée. Nos vies ont été si différentes, si étrangères les unes aux autres. Quelques lettres de ma mère et c’est tout. Après une aussi longue absence, nous serons des étrangers et il nous faudra nous apprivoiser.
j’ai perdu mon premier amour que j’avais cru éternel. « Loin des yeux, loin du coeur » dit l’adage. Maghnia n’a été qu’un beau songe, et les beaux songes s’évaporent au petit matin…
Je viens de tourner une page, de perdre le fil de mon métier, de passer le moment de vie appelé jeunesse. il m’en reste une petite séquence que j’aborde avec inquiétude.
Et je m’en vais au vent d’un avenir encore incertain et fragile.
Marseille, son port, la cannebière, la Bonne Mère, la gare Saint Charles, Lyon, Strasbourg … Sarrebourg. Je suis attendu.
Je l’avoue et je regrette que ma mémoire soit aussi infidèle pour ces premiers mois de mon retour à la vie civile. Je n’en ai retenu que bribes …
……………………………….
Quelques jours après ce retour, j’ai voulu reprendre pied dans la profession que j’avais choisie et qui allait être la mienne. Je me suis rendu à l’inspection appelée alors primaire et qui gérait les écoles de la circonscription de Sarrebourg dans son ensemble.
Samedi matin.
Je suis reçu à bras ouvert. Monsieur l’inspecteur a précisément besoin d’un instituteur remplaçant pour l’ultime semaine avant les grandes vacances.
Je suis donc nommé, pour cette période, à titre provisoire, à l’école de « Grand Soldat », un hameau d’Abreschviller.
Cette école a une particularité surprenante : Ses locaux servent de classe primaire du lundi au samedi matin, et d’église pour le reste de la semaine!
Consciencieux, je me rends immédiatement à « Grand Soldat », moi, le petit soldat sans armes !
Mes futurs élèves chantent et les paroles de leur chanson s’envolent par la fenêtre ouverte en ce mois de juin radieux :
…. « Nous n’irons plus au bois
Les lauriers sont coupés »…
Fin provisoire car la vie continue !
Bon, le temps est venu de tomber le masque.
Pierre Désarmoises est mon frère jumeau, mon sosie, mon double, plus encore… moi-même. Pardonne moi, personnage virtuel d’avoir ainsi usurpé ton identité.
Alors qu’un bateau me ramène vers ma Lorraine, je reprends mon identité.
15 juin 1961.
J’ai tout juste 23 ans.
Je me prélasse sur le pont du « ville d’Oran », un bateau qui a assuré le passage entre les villes d’oran et de Marseille pour les pieds noirs désireux de se rendre en métropole, aux temps bénis de la paix.
Il assure aujourd’hui le retour des militaires vers leurs bases.
Sous-Officier, j’ai donc le privilège du pont supérieur.
L e soleil de juin est au zénith et je me prélasse, en civil, dans un transat. En civil car j’ai rendu mon paquetage militaire à Saïda.
La quille ! C’est ainsi que les appelés sous les drapeaux désignaient le moment béni où ils allaient être rendus à la vie civile.
Je navigue aujourd’hui entre deux villes, deux côtes, deux vies, celle que je quitte et celle que je vais retrouver après vingt-huit mois d’absence ; je navigue dans mes pensées aussi.
L’armée.
L’armée m’a servi de famille de substitution.
La mienne, la vraie, elle m’a un peu oublié et je l’avoue, moi aussi je l’ai oubliée. Nos vies ont été si différentes, si étrangères les unes aux autres. Quelques lettres de ma mère et c’est tout. Après une aussi longue absence, nous serons des étrangers et il nous faudra nous apprivoiser.
j’ai perdu mon premier amour que j’avais cru éternel. « Loin des yeux, loin du coeur » dit l’adage. Maghnia n’a été qu’un beau songe, et les beaux songes s’évaporent au petit matin…
Je viens de tourner une page, de perdre le fil de mon métier, de passer le moment de vie appelé jeunesse. il m’en reste une petite séquence que j’aborde avec inquiétude.
Et je m’en vais au vent d’un avenir encore incertain et fragile.
Marseille, son port, la cannebière, la Bonne Mère, la gare Saint Charles, Lyon, Strasbourg … Sarrebourg. Je suis attendu.
Je l’avoue et je regrette que ma mémoire soit aussi infidèle pour ces premiers mois de mon retour à la vie civile. Je n’en ai retenu que bribes …
……………………………….
Quelques jours après ce retour, j’ai voulu reprendre pied dans la profession que j’avais choisie et qui allait être la mienne. Je me suis rendu à l’inspection appelée alors primaire et qui gérait les écoles de la circonscription de Sarrebourg dans son ensemble.
Samedi matin.
Je suis reçu à bras ouvert. Monsieur l’inspecteur a précisément besoin d’un instituteur remplaçant pour l’ultime semaine avant les grandes vacances.
Je suis donc nommé, pour cette période, à titre provisoire, à l’école de « Grand Soldat », un hameau d’Abreschviller.
Cette école a une particularité surprenante : Ses locaux servent de classe primaire du lundi au samedi matin, et d’église pour le reste de la semaine!
Consciencieux, je me rends immédiatement à « Grand Soldat », moi, le petit soldat sans armes !
Mes futurs élèves chantent et les paroles de leur chanson s’envolent par la fenêtre ouverte en ce mois de juin radieux :
…. « Nous n’irons plus au bois
Les lauriers sont coupés »…
Fin provisoire car la vie continue !
- Lolo90
- Messages : 18309
- Enregistré le : 17 juil. 2017, 08:39
- Localisation : Belfort (90)
- Contact :
Re: La chute (suite)
C'était une belle histoire en tout cas
Merci beaucoup de nous avoir partagé cette période de ta vie, nous avons été vraiment des privilégiés.

Merci beaucoup de nous avoir partagé cette période de ta vie, nous avons été vraiment des privilégiés.
-
- Messages : 3815
- Enregistré le : 07 nov. 2012, 19:22
- Contact :
Re: La chute (suite)
belle histoire bon je suppose que tout le monde avait à peu prés deviné que derrière pierre se cachait robert 

- Robert
- Messages : 26758
- Enregistré le : 21 janv. 2009, 20:38
- Localisation : SARREBOURG
- Contact :
- Robert
- Messages : 26758
- Enregistré le : 21 janv. 2009, 20:38
- Localisation : SARREBOURG
- Contact :
Re: La chute (suite)
Je viens de relire un texte que j’avais écrit le lendemain de l’incinération de mon beau-frère.
Je ne sais pas si ce texte a été transcrit dans le forum ; ma mémoire est insuffisante, et ma paresse, aussi, pour que je fasse les recherches nécessaires.
Je repasse donc cette lettre qui pose le problème qui se posera bientôt à mes proches: incinération ou enterrement. Et quand bien même, il en coûterait plus cher, je suis fondamentalement pour un retour à la terre.
À force de tout incinérer, il n’y aurait plus d’humus !
Lettre ouverte à mon beau-frère.
Alors que la nuit est encore à ma fenêtre, qu’hier tu t’en es allé, j’éprouve ce besoin de t’écrire un mot. C’est ainsi, l’écriture est ma soupape de décompression … Je ne sais comment fonctionne le service postal de l’au-delà mais je me persuade que bientôt tu recevras ma lettre.
……………..
Voilà le décor planté.
Nous sommes réunis dans la salle réservée du funérarium de la ville pour te rendre un dernier hommage. Le diacre officie. Il vient de faire un résumé documenté de ton existence devant une assemblée réduite, à cause de la pandémie qui rend le monde malade.
Je me suis enfermé dans une tour qui n’est pas d’ivoire mais hermétique à ce qui m’entoure. Et je voyage dans le temps. Nous avons vingt ans, Jean-Paul, des blousons légers en nylon, textile importé récemment des Amériques, et nous devisons juchés sur les sièges très hauts du milk-bar à siroter à l’aide d’une paille le lait-grenadine à la mode … Tu étais mon cadet et tant amoureux de ma petite soeur que nous étions, déjà, presque, de la même famille.
Mais, la petite cérémonie qui t’était consacrée s’achève qui me tire de mes rêves. Je suis à nouveau dans le réel, autour de moi on chuchote.
Et tu es toujours là. Successivement nous allons vers ton dernier costume en forme de boîte en bois pour y poser les mains et une pensée ; je reprends la conscience que tu ne reviendra pas, mon « unique beauf ! » … Mon unique beauf c’est ainsi que nous nous interpellions, depuis très longtemps.
…………..
Changement de décor … comme dans un mauvais rêve nous voilà au crématorium de la ville. C’est toi qui a choisi tes obsèques, tu es resté très conscient, jusque dans tes derniers moments de vie.
L’assistance s’est réduite, considérablement. Nous ne sommes plus que quelques-uns de tes proches, dans une salle réservée ta famille, près de toi qui bientôt retournera à l’état de cendres.
Mon unique beauf, tu es déjà loin et nous ne voyons plus que ton cercueil sur un vaste écran, dans un décor d’une modernité totale.
Les obsèques par crémation sont pour moi une découverte. Tu vois, tu vas contribuer un peu à ma connaissance du monde qui m’entoure et qui m’est de plus en plus étranger.
Je l’avoue, je n’ai pas aimé ce moment. Je n’aimerai jamais ces obsèques modernisés, aseptisés, américanisés, informatisés, comme un sort réservé à un condamné à mort et qui excluraient presque les chagrins de l’âme.
Je suis du temps des cimetières temps des retours à la terre qui nous a nourri, quand on recouvre le cercueil alors que l’assistance se tient debout, parfois dans le vent, la pluie, sous un ciel bleu ou gris …
……………
Nous sommes restés un moment dans cette salle si impersonnelle qu’elle ne m’a laissé que le souvenir de son écran, comme une salle faite pour un spectacle cinématographique. Et ma réflexion sur la vie et la mort s’est prolongée car l’employé spécialisé est venu nous annoncer que la crémation était différée à cause d’un « bug » informatique ! Tu vois, mon très cher « beauf », tes obsèques mêmes ont eu cette originalité emprunte de modernité !
Un temps de réflexion supplémentaire dans le silence nous est ainsi offert.
Te voilà dans l’autre monde, Jean-Paul, celui dont personne n’est jamais revenu pour nous en parler. Toutes les religions nous en font des descriptions concordantes, les bons, dont chacun espère être, qui sont heureux dans un éden magique et éternel, et les autres, les damnés, qui paient à jamais les turpitudes dont ils se sont rendus coupables ici-bas.
La vie, bien cher « beauf » … la vie a besoin de la mort pour exister, notre monde est ainsi fait. Elle dure une heure, un jour, parfois un siècle mais la mort nécessaire est inéluctable. Alors, plein d’espoir, je ne te dis pas « adieu », qui est un mot de fin, mais au revoir. « Au revoir » mon unique beauf ! A bientôt au « Pic Pic Bar » du paradis, nous y siroterons ensemble un lait-grenadine.
PS : La lettre que je t’ai écrite par la pensée cette nuit était beaucoup plus longue que celle-ci. Le clavier cruel de mon ordinateur l’a réduite, heureusement. Sans quoi, elle t’aurait donné la migraine.
Je ne sais pas si ce texte a été transcrit dans le forum ; ma mémoire est insuffisante, et ma paresse, aussi, pour que je fasse les recherches nécessaires.
Je repasse donc cette lettre qui pose le problème qui se posera bientôt à mes proches: incinération ou enterrement. Et quand bien même, il en coûterait plus cher, je suis fondamentalement pour un retour à la terre.
À force de tout incinérer, il n’y aurait plus d’humus !
Lettre ouverte à mon beau-frère.
Alors que la nuit est encore à ma fenêtre, qu’hier tu t’en es allé, j’éprouve ce besoin de t’écrire un mot. C’est ainsi, l’écriture est ma soupape de décompression … Je ne sais comment fonctionne le service postal de l’au-delà mais je me persuade que bientôt tu recevras ma lettre.
……………..
Voilà le décor planté.
Nous sommes réunis dans la salle réservée du funérarium de la ville pour te rendre un dernier hommage. Le diacre officie. Il vient de faire un résumé documenté de ton existence devant une assemblée réduite, à cause de la pandémie qui rend le monde malade.
Je me suis enfermé dans une tour qui n’est pas d’ivoire mais hermétique à ce qui m’entoure. Et je voyage dans le temps. Nous avons vingt ans, Jean-Paul, des blousons légers en nylon, textile importé récemment des Amériques, et nous devisons juchés sur les sièges très hauts du milk-bar à siroter à l’aide d’une paille le lait-grenadine à la mode … Tu étais mon cadet et tant amoureux de ma petite soeur que nous étions, déjà, presque, de la même famille.
Mais, la petite cérémonie qui t’était consacrée s’achève qui me tire de mes rêves. Je suis à nouveau dans le réel, autour de moi on chuchote.
Et tu es toujours là. Successivement nous allons vers ton dernier costume en forme de boîte en bois pour y poser les mains et une pensée ; je reprends la conscience que tu ne reviendra pas, mon « unique beauf ! » … Mon unique beauf c’est ainsi que nous nous interpellions, depuis très longtemps.
…………..
Changement de décor … comme dans un mauvais rêve nous voilà au crématorium de la ville. C’est toi qui a choisi tes obsèques, tu es resté très conscient, jusque dans tes derniers moments de vie.
L’assistance s’est réduite, considérablement. Nous ne sommes plus que quelques-uns de tes proches, dans une salle réservée ta famille, près de toi qui bientôt retournera à l’état de cendres.
Mon unique beauf, tu es déjà loin et nous ne voyons plus que ton cercueil sur un vaste écran, dans un décor d’une modernité totale.
Les obsèques par crémation sont pour moi une découverte. Tu vois, tu vas contribuer un peu à ma connaissance du monde qui m’entoure et qui m’est de plus en plus étranger.
Je l’avoue, je n’ai pas aimé ce moment. Je n’aimerai jamais ces obsèques modernisés, aseptisés, américanisés, informatisés, comme un sort réservé à un condamné à mort et qui excluraient presque les chagrins de l’âme.
Je suis du temps des cimetières temps des retours à la terre qui nous a nourri, quand on recouvre le cercueil alors que l’assistance se tient debout, parfois dans le vent, la pluie, sous un ciel bleu ou gris …
……………
Nous sommes restés un moment dans cette salle si impersonnelle qu’elle ne m’a laissé que le souvenir de son écran, comme une salle faite pour un spectacle cinématographique. Et ma réflexion sur la vie et la mort s’est prolongée car l’employé spécialisé est venu nous annoncer que la crémation était différée à cause d’un « bug » informatique ! Tu vois, mon très cher « beauf », tes obsèques mêmes ont eu cette originalité emprunte de modernité !
Un temps de réflexion supplémentaire dans le silence nous est ainsi offert.
Te voilà dans l’autre monde, Jean-Paul, celui dont personne n’est jamais revenu pour nous en parler. Toutes les religions nous en font des descriptions concordantes, les bons, dont chacun espère être, qui sont heureux dans un éden magique et éternel, et les autres, les damnés, qui paient à jamais les turpitudes dont ils se sont rendus coupables ici-bas.
La vie, bien cher « beauf » … la vie a besoin de la mort pour exister, notre monde est ainsi fait. Elle dure une heure, un jour, parfois un siècle mais la mort nécessaire est inéluctable. Alors, plein d’espoir, je ne te dis pas « adieu », qui est un mot de fin, mais au revoir. « Au revoir » mon unique beauf ! A bientôt au « Pic Pic Bar » du paradis, nous y siroterons ensemble un lait-grenadine.
PS : La lettre que je t’ai écrite par la pensée cette nuit était beaucoup plus longue que celle-ci. Le clavier cruel de mon ordinateur l’a réduite, heureusement. Sans quoi, elle t’aurait donné la migraine.
- Denis
- Messages : 19667
- Enregistré le : 29 déc. 2008, 19:26
- Localisation : Digne les bains
- Contact :
Re: La chute (suite)
Bravo pour ces textes, Robert, c’était passionnant. Que c’est long 2 ans et demie…
T’en aurais pas d’autres qui traînent dans tes tiroirs, Robert?
T’en aurais pas d’autres qui traînent dans tes tiroirs, Robert?

- Robert
- Messages : 26758
- Enregistré le : 21 janv. 2009, 20:38
- Localisation : SARREBOURG
- Contact :
Re: La chute (suite)
Si j’en ai plein ! Mais en plus de 10 ans, j’en ai publié beaucoup dans cyberpotes, d’autres se sont perdus dans la virtualité.
- phiphi76
- Messages : 11674
- Enregistré le : 31 oct. 2010, 10:57
- Contact :
Re: La chute (suite)
Oui bien sur, il y avait tellement de détails quasi intimes qu'il ne pouvait en être autrement. Cependant je doit avouer qu'au début de ce long et beau récit, je me suis laissé " embarquer " vers un fin bien plus dramatique avant que je ne fasse le rapprochement avec l'histoire personnelle, je pensais à une mort suite à une attaque du FLN, il n'en est rien et c'est tant mieux. Comme tous je pense, même si je n'ai guère commenté entre les épisodes, j'ai bien été tenu en haleine !
@ cyberpotes + !