
J’avais achevé mon CR de la Marmotte 2008 en me demandant ce que j’allais bien pouvoir faire ensuite…
La Marmotte, c’est le graal, c’est un aboutissement, une fin en soi mais c’est tellement beau qu’on y retourne, forcément.
Cette année donc, La Marmotte est de nouveau à mon programme mais à l’inverse de l’année dernière, j’ai quelque peu la pression alors qu’approche l’heure du départ. En effet, l’année dernière m’avait vu boucler le parcours en 7h33 à la 349ème, un truc vraiment inespéré pour moi et d’ailleurs les jours précédents l’épreuve, je me demande bien comment j’ai pu réaliser ça tant je me traine dans les cols que l’on escalade en compagnie de Karl, Laulesp et Alex en guise de préparation.
Cependant, je suis tout de même confiant, la Time m’a rassuré malgré la fringale, j’avais un bon coup de pédale durant cette épreuve mais bon, rien n’est jamais acquis. L’objectif sera donc de faire aussi bien que l’année dernière mais je me dis que j’avais placé la barre assez haute et que ça ne sera pas facile.
Dés le départ donc, je ne force pas outre mesure, j’ai les souvenirs de l’année dernière qui me reviennent en tête, je n’avais pas fait le départ. Cependant, je garde facilement ma place dans le peloton de tête là ou j’avais déjà baissé pavillon en 2008 ne voulant pas me mettre dans le rouge.
Le barrage du Verney est avalé grand train sur la plaque, je peux me le permettre, ce n’est pas le véritable pied du col et cette année, je le sais. Un petit coucou à Laulesp dès le pied du col du Glandon et nous voilà parti pour une longue ascension plutôt difficile dans sa première partie mais bien plus roulante sur le haut.
Je n’affiche pas le chrono sur mon compteur, je préfère monter aux sensations ; j’ai collé sur mon cintre un bout de papier sur lequel j’ai noté mes différents temps de passage, il sera temps de faire le point en haut du col pour voir si je suis dans l’allure. J’ai un peu de mal en ce début de col, il me faut prendre mon rythme et la pente reste soutenue. Pas facile de savoir si je suis bien, je ne suis ni mieux, ni pire que les gens qui m’entourent, j’en double quelques uns mais d’autres me passent également. J’ai Alex en point de mire à 100m, notre rythme semble être identique.
Le passage au Rivier d’Allemont me fait du bien, il est déjà temps de profiter de ce replat pour récupérer. Par contre, les premières pentes qui suivent la petite descente sont sévères, pas faciles à gérer après ce petit bout de descente salvateur ; je m’accroche, je sais que ça sera plus facile dans quelques km, à hauteur du barrage de Grand maison. C’est à cet instant que je reviens sur Alex, c’est aussi à ce moment qu’il choisi de s’arrêter pour parfaire un réglage de hauteur de selle ; il me dit que tout est OK, je peux ainsi continuer mon ascension.
Un peu plus haut, je rejoins Yves Simon, un «compatriote » Icaunais. Petit salut amical, il me dit trouvait ça bien plus difficile que l’Ariégeoise qu’il a fait la semaine précédente.
Nous sommes dans la partie finale du col désormais, c’est bien plus roulant, les arbres ont laissé place aux alpages et on distingue au loin un alignement de voitures nous indiquant le sommet du col. Les groupes sont désormais bien plus clairsemés, la sélection a eu lieu, impitoyable. Les derniers km se montent rapidement, je suis pressé de basculer dans la descente, je suis bien calé dans les roues en 3-4éme position de mon groupe, les jambes tournent bien.
Je bascule au sommet, le soleil est déjà bien haut, la journée risque d’être chaude ; à cette heure de la journée, le coupe-vent est déjà bien superflu pour affronter la descente. Coup d’œil rapide à mon chrono, 1h41, 5 minutes de mieux que l’année dernière ! Va pas falloir se relâcher, je suis bien content de cette première montée.
Pas le temps de réfléchir, faut rester concentré sur ce qui suit. Le début de la descente est plutôt dangereux et j’ai vite fait de le vérifier avec 2 gars au tapis un peu plus bas ! J’ai basculé seul, une chance, j’ai ainsi l’opportunité de choisir mes trajectoires. Cependant, j’ai vite fait de comprendre que je ne suis pas très à l’aise, ma descente est plutôt poussive et je suis sans arrêt sur la retenue. Ca et là je passe quelques gars mais ils sont beaucoup plus nombreux à me doubler et je n’arrive pas à prendre les roues ! C’est ainsi que je vois Yves Simon me repasser à mi-descente, impossible pour moi à suivre tant je descends mal ! Je me laisse ainsi chahuter jusqu’en bas et c’est avec un certain soulagement que je vais atteindre St Etienne de Cuines dans la vallée de la Maurienne.
Je me retrouve ainsi dans un groupe d’une dizaine de gars pour affronter ce bout plat, le seul de la journée. Je me laisse glisser volontairement à l’arrière du groupe, il n’est pas dans mon idée de participer à la chasse, je mettrais à profit cette quinzaine de km pour récupérer et me restaurer. Malgré le petit nombre de ce groupe, on arrive à faire rapidement la jonction avec un groupe plus conséquent (dont l’ami Yves qui a dut se rendre compte de ma détresse dans la descente puisqu’il me demande si j’y ai perdu beaucoup de places !). La plupart des gars qui composent ce groupe sont les gens qui m’ont doublé un peu plus tôt. Le passage en vallée de Maurienne se fait sans encombre malgré la cohabitation avec les voitures ; il est vrai qu’un groupe de 50 n’est pas facile à manœuvrer pour ces conducteurs ! La vallée de la Maurienne s’achève sans que j’ai eu a donné un seul coup de pédale, c’est conforme à ce que j’avais prévu.
A St Michel de Maurienne, petit virage à droite et on attaque l’ascension du col du Télégraphe, la première rampe du Galibier en fait. Dés le bas, le groupe se disloque et on s’aperçoit vite que le Glandon a déjà pas mal usé les organismes tant certains semblent être déjà aux abois. Pour ma part, ça va, je mets quelques centaines de m pour reprendre mon rythme et me voilà reparti sur un col que j’affectionne. Je reste en retrait d’un groupe d’une dizaine de gars et je me cale sur leur rythme, ni trop élevé, ni trop peu soutenu. Au cours de la montée, j’essaye de profiter au mieux des coins d’ombre que nous offrent la forêt, j’ai déjà ouvert le maillot en grand et la chaleur reste encore supportable. Au fur et à mesure de la montée, je reprends pas mal de gars, tout se passe pour le mieux.
Au sommet, je m’arrête pour faire le plein de bidons et pour satisfaire à un besoin naturel. J’ai accentué mon avance (7-8 minutes environ) mais l’arrêt est un peu plus long que prévu ; les bénévoles qui sont là font de leur mieux mais ils ne sont pas assez nombreux par rapport à nous. Je suis contrarié d’avoir perdu un peu de temps bêtement car je sais que ça ne se jouera à pas grand chose ; je suis sur des bases de 7h20 … en théorie, il faut continuer à pédaler.
Rien à signaler jusqu’à Valloire, le plus dur restant à venir. La traversée de Valloire est scabreuse avec ses routes en mauvais état et son passage pavé. Les premières rampes du Galibier sont en vue et elles ne sont pas évidentes en sortie de Valloire ; il y a toujours ce changement de rythme à appréhender et j’ai toujours autant de mal à m’y faire. Je suis confiant, je passe toujours bien à cet endroit. Le replat qui suit ces premiers km et le bienvenu, le calme avant la tempête, je sais que je suis tranquille jusqu’à Plan Lachat. Enfin, c’est ce qui m’avait semblé par le passé mais il n’en est rien aujourd’hui. Le passage vers l’aérodrome au dessus de Valloire nous permet de profiter de l’atterrissage d’un avion, le dernier moment de répit, le dernier moment ou l’on pense à autre chose que la souffrance. La route s’élève petit à petit, on distingue au loin l’accès à Plan Lachat, le prochain objectif ; tout ça est encore bien loin et là, tout me paraît si compliqué ! Je ne m’attendais pas à être dans le dur si tôt. J’alterne les phases assis et en danseuse mais rien n’y fait, je suis scotché ; les gars que j’ai passé dans le Télégraphe me reprennent, je ne peux rien faire d’autre que de subir. Et pourtant, la pente ne semble pas être si rédhibitoire ! Mes certitudes volent en éclat, j’espère simplement que ça va s’arranger.
Plan Lachat est vraiment difficile à atteindre pour moi, je m’accroche, je pense à ce qui m’attend après, je gamberge …
Passage à Plan Lachat et son virage à 180° qui nous fait passer sur l’autre versant, la pente s’accentue nettement mais curieusement, je reste égal à ce que j’ai fait avant, je ne suis pas plus mal alors que je m’attendais à voir ma souffrance s’accentuer proportionnellement à la pente. Quel point de vue magnifique désormais ! On peut voir en contrebas le long ruban multicolore des cyclistes arrivant à Plan Lachat, ça me regonfle le moral, je me dis qu’il y en a un paquet derrière et que je ne suis pas le plus mal loti. Les km défilent et au détour d’un lacet, on a désormais en visuel le sommet du col ! Il ne reste que 3 km désormais mais ce sommet me paraît vraiment inaccessible ; il vaudrait mieux ne pas regarder parfois. Ma vitesse plafonne entre 9 et 11 km/h mais plus personne ne me double désormais, ça va quand même mieux ! Dernier km, le plus pentu, je passerai bien par le tunnel…
En haut du col du Galibier, à 2646m d’altitude, je m’arrête au ravitaillement au moment ou Xavier Joly repart (un gars qui vaut moins de 7 heures sur ce parcours mais qui a mal passé le Galibier ; la montagne ne pardonne aucune défaillance). Je suis toujours dans les temps mais l’étau se resserre ; mon Polar ne comptabilise pas les arrêts si bien que je ne sais plus vraiment ou j’en suis, je sais simplement que c’est ric et rac. Là encore, l’arrêt est trop long à mon gout, il est mis à profit pour remplir les bidons et manger quelques cartiers d’orange et quelques morceaux de bananes.
Je repars seul à l’assaut de la longue descente, vent de face. Va falloir vite intégrer un groupe pour ne pas faire trop d’efforts. Bien pentue jusqu’au Lautaret, cette descente oblige dans sa seconde partie à maintenir une certaine activité si l’on veut avancer, d’autant plus aujourd’hui que le vent est défavorable. Aussi, après le passage du Lautaret, on reforme un groupe de 5-6 gars. Je reste bien au chaud dans les roues pour mettre à profit ce moment pour m’alimenter correctement. Le rythme reste soutenu, le passage à La Grave en Oisans est scabreux, c’est un véritable champ de mines et il faut bien viser pour éviter les trous les plus importants.
Je reste très prudent notamment au passage des différents tunnels mal éclairés ou j’enlève les lunettes. Au fur et à mesure de la descente, la température augmente, je m’attends à rentrer dans une fournaise au pied de l’Alpe d’Huez.
Au passage du barrage du Chambon, nous reprenons un groupe plus conséquent et je retrouve avec plaisir Xavier avec qui je pourrai faire le pied de l’Alpe d’Huez. Plus on avance et plus on ressent de la tension et de l’inquiétude, les 21 virages font peur. Je suis serein pour ma part mais je sais que je vais souffrir !
Pied de l’Alpe, c’est une véritable fournaise, 38°C, mon chrono indique 6h18 mais je dois être à peut de chose prêt avec les arrêts au même niveau qu’en 2008, tout va se jouer sur cette dernière montée. J’ai déjà ouvert le maillot en grand depuis quelques km, je déboucle la jugulaire de mon casque et nous voilà parti pour les fameux 21 virages. Je me fixe comme premier objectif le virage 20 ; ces 2 premiers virages sont les plus pentus et ils sont très longs ; je suis averti, je gère, je fais comme je peux mais il est clair qu’il m’est difficile d’accélérer. Je monte une petite partie avec Xavier mais je ne peux suivre son rythme ; il doit être ½ km heure plus vite et ça suffit pour que je décroche. J’atteints tant bien que mal le virage 20 en pensant immédiatement à la Garde en Oisans, premier village traversé et premier replat salvateur au virage 16 ; la distance séparant 2 virages et désormais moins importante, le compte à rebours est désormais plus rapide, ça fait du bien au moral.
A la Garde en Oisans, j’attrape à la volée un gobelet d’eau que je me verse sur la tête ! Ca fait un bien fou et d’ailleurs, je vais jouer ainsi jusqu’en haut à l’aide de mon grand bidon d’eau claire qui est au ¾ plein.
A partir de là, les virages s’enchainent régulièrement, ma vitesse plafonne entre 9 et 12 km/h au gré de la pente, je ne peux pas aller plus vite, je n’essaie pas d’ailleurs ; je sais que je suis en train de perdre mon pari, il me sera difficile de faire mieux qu’en 2008.
Je pense au virage 6, je sais qu’après, tout devient plus simple. Chaque nouveau virage est une victoire en soi et dès le virage passé, j’essaie de voir au loin le panneau indiquant le prochain virage.
A partir du virage 8, on commence à voir les premiers immeubles de l’Alpe d’Huez, tout ça me paraît encore bien loin mais le décompte continu. Enfin le virage 6 et son replat dans Huez en Oisans, je me surprends à descendre de quelques dents, ça faisait bien longtemps que je naviguais sur le 27 et le 24 et d’ailleurs, j’ai voulu passer à plusieurs reprises au delà du 27 mais malheureusement, il n’y avait plus rien !
Virage 4, on aperçoit parfaitement le sommet désormais, ça sent bon mais c’est toujours aussi difficile ; chaque coup de pédale me rapproche du but mais rien n’est gratuit à ce moment de la course ; c’est sur, on ne m’y reprendra plus…
A mi-chemin entre les virages 2 et 1, le panneau d’entrée de L’Alpe d’Huez, c’est presque gagné. Virage 1, un dernier effort, je relance comme je peux, on rentre définitivement dans l’Alpe d’Huez sous les applaudissements de certains spectateurs attablés aux terrasses des cafés, encore quelques minutes et ce sera mon tour. Dans la station, on retrouve des pentes humaines, l’envie d’en finir rapidement est là, la souffrance disparaît à mesure qu’on se rapproche de l’arrivée, je prends un malin plaisir à remettre la plaque à quelques encablures de l’arrivée histoire de finir dignement. Je regarde le chrono sur la ligne d’arrivée, un peu moins de 7h38 soit 4 minutes en plus que 2008 !
Dommage, je suis déçu sur le coup mais ça ne dure pas trop longtemps, je suis content d’en avoir terminé dans un temps plus que correct, il faisait quand même plus chaud que l’année dernière et d’ailleurs, les premiers aussi ont mis plus de temps qu’en 2008 ; et puis je me dis que 2008 n’était pas un accident, je m’étais toujours demandé ou j’avais été cherché ça ! J’aurai aimé faire mieux pourtant mais 346ème/7000 engagés, c’est plutôt pas mal !
Bon, on reviendra l’année prochaine pour faire mieux…